Smartphones et musique : à vos Apps !

Le 17 novembre 2010

Avec l'accès direct à internet depuis les smartphones et la possibilité de télécharger une multitude d'applications en un clic, les usages, notamment ceux liés de la musique ont fortement évolué. Revue en détail de ce nouveau paradigme.

Benoit Darcy nous livre ici un bilan de ce qui se fait de mieux en applications téléphoniques à l’aube de 2011. Cet article est indispensable à toute personne prétendant s’investir dans le “music business”. Benoit Darcy (@zdar sur Twitter) est actuellement employé chez CBS interactive France. Il écrit sur son blog zdar.net, un vrai régal pour tous les amateurs de nouvelles technologies et de musique.

Enfumeur pour certains, visionnaire pour d’autres. Enfumeur-visionnaire pour moi. Force est de constater que Jean-Marie Messier n’aura pas laissé indifférent. Président de Vivendi de 1998 à 2002 – aujourd’hui holding d’Universal Music, de Canal+, SFR et d’Activision – Jean-Marie Messier aura laissé derrière lui plus de 20 milliards d’euros de dettes, des acquisitions malheureuses et survalorisées et quelques visions stratégiques justes, qui trouvent leur sens aujourd’hui. Au premier rang d’entre-elles : la convergence.

Convergence. Ce mot-valise, les journalistes l’utilisent depuis environ 10 ans pour désigner à la fois l’avancée technologique connue par les téléphones mobiles ces dernières années (agglomérant ainsi les fonctionnalités), et l’arrivée des services Web de tout ordre dans la vie de Monsieur-tout-le-monde. Aujourd’hui, la convergence a tellement opéré que l’expression tend même à disparaître. Car c’est un fait, le Web est arrivé dans nos mobiles, en version illimitée et à haut débit, et avec lui, les comportements qui vont avec. De l’avis de beaucoup, Messier avait vu juste. Peut-être quelques années trop tôt…

A qui appartient le marché ?

En France, et selon la dernière étude du Gartner Group (novembre 2010), les ventes de smartphones ont le vent en poupe. Elles sont notamment dopés par l’iPhone et les différents téléphones Androïd, mais la réalité est que ce sont trois autres marques qui dominent le marché : Nokia, Samsung, et LG. Ainsi, les parts de marché des téléphones mobiles (tous modèles confondus) sont : Nokia (28,2%), Samsung (17,2%), et LG (6,6%). Si on isole le seul segment des smartphones (il faut alors ici raisonner en OS plutôt qu’en marques), nous avons comme trio de tête : Symbian (Nokia), Androïd (marques diverses), et iOS (Apple iPhone) avec respectivement 29%, 20% et 13% de parts de marché.

L’iPhone est donc loin d’être en tête. Androïd a le vent en poupe et progresse très rapidement, et Symbian pourrait bien marquer son retour (ou du moins consolider sa position) avec les nouveaux smartphones de Nokia, en particulier le N8, dévoilé récemment.
Pourtant, c’est bien l’iPhone qui fait l’objet de toutes les convoitises. Et pour cause, ses utilisateurs sont les plus riches, ceux dont les comportements sont le plus tournés vers le Web, et le smartphone lui-même constitue l’écrin renfermant la seule entité musicale qui a prouvé sa capacité à générer du business de façon pérenne : iTunes Music Store. Mieux, une récente étude américaine, Going Mobile (réalisée par IHL Group), donne l’iPhone devant Android en intention d’achat (et de switch) de la part des possesseurs de smartphones : 56% veulent passer à l’iPhone, 44% à un mobile Androïd, 24% un BlackBerry et 10% un Windows Phone…

Les différentes catégories d’apps

Dès lors, l’application iPhone semble incontournable. Au delà des coûts, il est ici question de de reach. Puisque musique et iPhone adressent la même cible, la production d’une application devient pertinente et les approches peuvent varier. Après un tour d’horizon de l’inventaire disponible dans l’AppStore, j’en arrive à dénombrer quatre grandes tendances.

Les application d’image

Il s’agit ici de faire exister l’artiste et sa production au sein d’une application. Le rendre accessible et « searcheable » dans l’AppStore et rendre des éléments promotionnels disponibles à l’écoute ou à la visualisation. L’achat de titres ou de l’album complet est en général proposé au sein même de l’application. L’application du rappeur Drake, le petit protégé de Lil’Wayne récemment vu aux côtés de Rihanna, constitue un exemple parfait d’application d’image.

Application Drake (Réalisation : Mobile Roadie, Editeur : Universal Music Group)

Les applications ludiques

Sans mettre en avant l’artiste beaucoup plus que l’affichage du logo du groupe ou du visuel du dernier album, il s’agit de proposer au fan un divertissement dans l’univers de l’artiste en reprenant certains visuels clés ou, mieux, en mettant en scène des avatars des membres du groupe. Un lien vers l’iTunes Store mobile n’est jamais très loin et permet de quitter l’application en douceur pour aller acheter un ou plusieurs titres voire l’album en entier… Un exemple ici avec le flipper de Goldfrapp, un groupe electro-pop britannique.

Application Goldfrapp Pinball (Réalisation : Corporation Pop Ltd, Editeur : Mute Records)

D’autres exemples figurent dans l’Appstore, en particulier pour Gorillaz et Linkin’Park, deux grosses marques sur lesquelles un investissement sérieux a été consenti puisqu’il s’agit ici de jeux plus élaborés. De la 3D pour Gorillaz, et Linkin Park qui fait figure de cas d’école puisqu’on dénombre pas moins de quatre applications dédiées à la formation californienne dans l’AppStore : une application d’image (même principe que pour Drake), un jeu de type « Tapulous », et un jeu proche des « Sims » en version gratuite et limitée, et payante (illimitée).

Les applications décalées

C’est un sous-genre des applications ludiques mais elles sont tellement verticales qu’on peut les isoler dans un segment à part entière. L’un des exemples le plus probants de ce type d’application est incarné par iSébastien, l’application iPhone de… Patrick Sébastien.
Contre 0,79 euros (véridique), vous pourrez faire tourner les iPhone comme vous faites tourner les serviettes… (véridique aussi). Un compteur enregistre les tours (par le biais du gyroscope intégré à l’iPhone) et c’est parti pour des défis entres amis (assumez ou changez d’amis…). Là encore, l’utilisateur se trouve à un clic de l’iTunes Store où il pourra télécharger toute l’oeuvre de Patrick…

Application iSébastien (Réalisation : Sonacom, Editeur : Universal Music France)

Les applications immersives

C’est la catégorie la plus intéressante. Celle où on rencontre les applications les plus originales et élaborées. Il s’agit d’aller beaucoup plus loin que le niveau d’immersion que peut procurer un jeu mobile en impliquant fortement l’utilisateur. Les concepts derrière ce type d’applications peuvent être très variés. Voici deux exemples évocateurs.
Sortie récemment, l’application de Cassius, duo électro incarnant le mouvement French Touch, s’inscrit typiquement dans cette veine. Ainsi, Cassius a récemment sorti un clip dans le but de promouvoir The Rawker, leur dernier EP sorti chez Ed Bangers. Voici le clip, il s’agit du titre I Love You So et l’iPhone y tient une belle place…

En parallèle de ce clip est sorti une application iPhone reprenant exactement les même « vidéos de bouches » qui sont mises en scène dans le clip. Dès lors, l’utilisateur peut s’amuser à refaire le clip chez lui, l’application peut alors procurer une vraie expérience sociale. C’est là le degré le plus élevé de l’immersion. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant que des flashmobs utilisant cette application aient lieu prochainement…

Application Cassius I <3 U SO (Réalisation : Julien Adam, Editeur : Ed Banger Records)

Bien que non-officielle, l’approche de l’application iDaft s’avère tout aussi créative. Elle permet, maintenant dans sa version 2, de rejouer les hits interplanétaires de Daft Punk Harder Better Faster Stronger et Technologic. Si l’aspect social est ici négligé, l’application jouit d’une belle popularité auprès de fans, et pourrait servir de tremplin le cas échéant à une version plus élaborée. Notons qu’iDaft2 reste une application gratuite…

Application iDaft2 (Non officielle, réalisation : Sam Vermette)

Gratuité, mécanismes de recrutement, et ROI

Au risque de m’attirer les foudres de détracteurs en mal de revenu (et ce serait légitime), je pose un postulat :

En 2010, en musique, la question essentielle n’est plus « combien un artiste rapporte t-il ? », mais « quelles sont les données en ma possession concernant la fanbase de l’artiste et comment je peux améliorer la collecte de ces données en quantité et en qualité ».

Au premier rang de ces données figurent la reine, celle qui fait l’objet de toutes les convoitises : l’adresse email. Une adresse email est un formidable moyen de de communiquer avec une base de fans, mais également, pour peu qu’elle soit associée à un travail de marketing direct ou de CRM, un moyen de qualifier et de profiler une audience. De receuillir des données socio-démographiques, des affinités par style, par artiste, par similitude.

Une application iPhone peut aider grandement à la collecte. Parce qu’il aura accès à du contenu privilégié, parce qu’il pourra visualiser un contenu avant le « grand public », parce qu’il pourra participer à un jeu concours dont la dotation sera « premium » (accès VIP, rencontre avec l’artiste, voyage pour assister à un gros concert au bout du monde, etc), un fan laissera plus facilement son adresse e-mail. Le recrutement sur iPhone est facilité par la simplification des interfaces. Une application va en général droit au but dans ses fonctionnalités, la collecte de données aussi. Un exemple avec ce que propose Mobile Roadie dans toutes ses applications, ici avec celle de Pink.

Application Pink (Réalisation : Mobile Roadie - Editeur : Sony Music Entertainment)

Les trois piliers du recrutement sont ici représentés : opt-in pour des alertes push (très utile pour réactiver une fanbase quelque peu endormie…), inscription à la mailing-list donnant accès à des exclusivités, et géolocalisation (très utile pour savoir où se situent les fans et donc optimiser des tournées, prévoir des programmations stratégiques à des festivals, vendre mieux et plus de tickets de concerts).

En d’autres termes, considérer une application iPhone comme un canal de revenu important est à mon sens une erreur. Mieux vaut la considérer comme un collecteur de données. Il n’empêche, différents modèles économiques sont à la disposition des éditeurs pour tenter de réaliser un coup-double et générer du revenu. Dans un premier temps, il s’agira d’amortir le coût de développement de l’application (comptez de 5 à 25.000 euros en fonction des prestataires et de la complexité de l’application et du package qui peut être fourni : iPhone+iPad, par exemple). Dans un second temps, cap sur le profit. Dans les deux cas, les business-models ne sont pas si nombreux et limités par les conditions générales de soumission d’une application dans iTunes Store.

L’application idéale

Si certains jeux en 3D ou certaines licences de hits existants (Tapulous…) peuvent justifier un prix conséquent dans l’AppStore (4,99 €), le modèle le plus pertinent semble être celui de l’achat de contenus payants au sein d’une application gratuite (in-App purchase) et possédant quelques fonctionnalités et contenus d’accès gratuit. C’est par exemple ce qui a fait le succès d’un jeu comme FarmVille.

Aujourd’hui – selon Jesse Schell – il y a plus de joueurs sur FarmVille que de comptes sur Twitter…

L’univers d’un groupe ou d’un artiste a tout pour coller au plus près à ce modèle. Il est possible de laisser en libre écoute ou en libre téléchargement certains titres, proposer des jeux pour débloquer d’autres chansons, tout en proposant l’achat de l’album complet sur iTunes. Même raisonnement pour la vente de tickets de concerts et pour le merchandising, même si dans ce dernier cas, il sera toujours impossible de s’affranchir de la chaîne de livraison, avec ses coûts et ses impératifs.

Ajoutez à cela des fonctionnalités de shopping social, telles qu’on peut en trouver sur le très novateur Shop Socially et vous détiendrez probablement une application profitable. Ce site, qui vient de réaliser une levée de fonds de série A (soit un premier tour de table de 1.1 million de dollars auprès de Valhalla Partners), propose de combiner avis de consommateurs, achats, et profils sociaux, sur fond de gamification. Là encore l’univers musical a tout à gagner à s’inspirer de cela.

Aujourd’hui, combien de gens font un check-in une fois arrivés dans une salle de concert pour signifier à leur groupe d’amis qu’ils vont assister au show de tel ou tel artiste. Des centaines de milliers par soir. Quelle exploitation l’industrie réalise t-elle de ces précieuses données ? A peu près aucune. Aujourd’hui, les forums dédiés aux artistes ne sont-ils pas remplis d’utilisateurs à qui des badges d’ancienneté, de comportement sont décernés ? Où est le Foursquare de la fan-attitude ? Nulle part. Il y a probablement encore d’autres pistes à creuser !

Combien ça coûte ?

Voilà. Des mots, beaucoup de mots, et toujours les même acteurs. Les gros. Universal Music, Sony Music. Et toujours les même exemples, aussi. Les gros. Pink, Linkin Park, Gorillaz, Daft Punk… Mais dans la réalité d’un artiste auto-produit, l’application est-elle envisageable. Et, en fait, sert-elle vraiment à quelque chose ? A cette question, la réponse est définitivement oui, à condition d’avoir le temps d’en exploiter les bénéfices. Dans le cadre d’une autoproduction, seul aux commandes, le temps passé à analyser sa base de fans et autant de temps en moins pour composer, enregistrer, médiatiser…

En ce qui concerne la fabrication des applications, sauf à vouloir une application tellement originale qu’il vous faudra passer par un prestataire, certaines sociétés proposent aujourd’hui des outils facilitant la création d’application pour des populations non aguerries au code… Ainsi, de la même façon que des outils comme WordPress ont permis à des millions de gens de monter un site sur Internet, des CMS pour applications font leur apparition. Une société se détache particulièrement du peloton : Mobile Roadie. Certaines applications d’artistes signés en majors sont d’ailleurs réalisées grâce à leur technologie. Voici la vidéo promotionnelle de la version « pro ». Promotionnel donc volontairement impressionnant, mais les idées fortes sont bien réelles : « build an app in minutes » et « publish once, update everywhere ».

OK pour les fonctionnalités et la possibilité de le faire moi-même, mais quid du coût ? Voilà ce qui ressort d’un rapide tour d’horizon : en moyenne, de 500 à 1000 euros pour une application « basique » et jusqu’à 5000 euros pour une application plus évoluée. A cela peuvent s’ajouter des coûts d’abonnement nécessaires à la publication de mises à jour de l’application ou la possibilité de connecter l’application à des flux de données : Twitter, RSS, Flickr, Facebook Fanpage, etc.

Grille tarifaire de Mobile Roadie au 15.11.2010

L’objet de cet article n’étant pas de traiter la fabrication elle-même des applications, je me contenterai ici de vous livrer quelques liens en forme de point de départ pour creuser et trouver un service qui vous convient tant sur le plan des fonctionnalités que sur celui du prix…

Mobile Roadie
Phizuu
Scribble
Custom Band Apps
Mobbase
Get Sound Around

Car là est la réalité, tiraillée entre absolue nécessité de calcul de ROI. Un grand classique économique. iPhone en main, qu’en aurait pensé Messier ?

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Article intialement publié sur: Zdar.net

Crédits photos: Benoit Darcy @zdar

Crédits photos CC flickr: csaila

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