Web “participatif”, “collaboratif”, “contributif”, voilà 3 termes qui, depuis l’avènement du web dit “2.0″ sont souvent indistinctement et abusivement employés.
D’après le trésor de la langue française :
La proximité sémantique des deux termes est évidente, même si dans le contexte du web 2.0 il est possible d’envisager des formes de collaboration non-nécessairement contributives. La collaboration relèverait alors davantage de l’engagement, et la contribution, de l’action.
L’échelle “social technographics” du cabinet Forrester est un outil précieux qui permet de mieux qualifier les différents modes d’interaction en ligne et d’observer leur évolution au fil du temps.
Les 3 échelles retenues pour les besoins de ce billet datent du 4ème semestre 2006, du 4ème semestre 2009 et, pour la plus récente, du second semestre 2010.
La première correspond au moment où ce nous nommerons le “volet social” du web a réellement commencé à s’installer dans les usages, comme le rappelle Wikipédia dans sa page consacrée au “web 2.0″ :
Celle de 2006, correspondant donc aux débuts du web social.
Celle de 2009 …
En enfin la dernière en date, du second trimestre 2010.
Et pour une vision plus synthétique, voici les 3 rassemblées sur la même image (cliquez pour l’agrandir).
Au regard des définitions données au début de ce billet :
Soit le résultat suivant :
Dans le cadre d’une échelle croissante d’interaction enrichies, l’interprétation qui peut-être faite est la suivante.
Nous disposons d’un web à trois niveaux distincts d’interaction :
Trois niveaux auquel il convient d’ajouter ceux que cette typologie ne concerne aucunement, c’est à dire les “inactifs”.
(À noter que pour la suite des opérations j’ai, à l’aide de vieux souvenirs de produit en croix, ramenés les pourcentages “relatifs” de l’étude de Forrester en pourcentage “absolus”, c’est à dire que j’ai fait en sorte que la somme des différents segments soit ramenée à 100%)
Les points saillants de l’analyse de ces données croisées sont les suivants :
Cette stratification des usages donne à lire à la fois la granularité des médias (réseaux sociaux, blogs et micro-blogs, etc) comme une clé de répartition des niveaux d’interactions, mais elle esquisse également les contours d’une pyramide qui pourra peut-être un jour être considérée comme un invariant de la qualification des activités en ligne, avec une moitié de la population connectée qui se contente d’une simple consultation, des créateurs de valeur ajoutée autour de 20% et des créateurs de contenu au même seuil (20%). Un résultat à lire à la lumière d’une autre analyse quantitative portant sur la nature des coopérations à l’œuvre, en particulier celle des coopérations faibles.
Cette stratification des usages donne aussi à réfléchir sur les leviers qui restent à inventer si l’on veut que le web ne devienne pas uniquement une nouvelle télévision dans laquelle quelques-uns inventent les contenus que quelques autres décideront de produire et que l’ensemble des autres absorbera plus ou moins passivement, c’est à dire si l’on veut maintenir ou augmenter la part réelle des usages contributifs et participatifs. De ce côté-là, c’est peu dire qu’il reste des choses à inventer, et des gens à former :-)
Ce qui me frappe dans tout ça ce sont les 20% de “participatifs”, les “collectors” et les “critics” dont l’activité essentielle est de nature intrinsèquement documentaire. En parallèle des 20% de créateurs. Un monde, celui du web, dans lequel on compte autant de gens qui produisent de contenus que de personnes exerçant sur lesdits contenus une activité de nature documentaire. Un monde à l’équilibre entre ceux qui exercent une autorité (au sens “d’auteur”) et ceux qui “balisent”, qui “labellisent”, ceux qui autorisent nos parcours, qui supportent nos navigations. Pas encore une “intelligence collective” (au sens de Pierre Lévy), mais déjà, à tout le moins, les bases d’une nouvelle grammaire documentaire collective et universelle.
Un monde dans lequel, comme le dit Bernard Stiegler (ici), (presque) tout le monde “produit des méta-langages“, mais sans le savoir, à la manière d’un monsieur Jourdain de la documentation. Un monde qu’il importe (Stiegler encore) “d’accompagner vers sa majorité au sens de Kant“, en lui fournissant “les outils permettant d’instaurer un regard et une distance critique” sur ces méta-discours, sur ces méta-activités documentaires permanentes, rémanentes.
Surtout, un formidable “terrain” scientifique pour la science de l’information.
Relire Barthes (Critique et vérité, Paris, Seuil, 1966) : “Le Moyen-Age, lui, avait établi autour du livre quatre fonctions distinctes : le scriptor (qui recopiait sans rien ajouter), le compilator (qui n’ajoutait jamais du sien), le commentator (qui n’intervenait de lui-même dans le texte recopié que pour le rendre intelligible), et enfin l’auctor (qui donnait ses propres idées en s’appuyant toujours sur d’autres autorités).” Remplacer “le livre” par “le web”, et prendre de temps de mesurer et de qualifier le réagencement de ces énonciations documentaires fortement ou faiblement contributives / participatives / collaboratives.
Attention cependant, il n’est nullement question de sombrer dans l’irénisme. A côté ou plus exactement à l’envers de ce web contributif et participatif, progresse également l’ombre d’un monde que caractérise “la montée hors limite d’une société panoptique, info-totalitaire et crypto-fasciste, à l’échelle mondiale” (Philippe Quéau). Un monde où le partage est légitime, et que légitime un probable “surplus cognitif” (Clay Shirky), mais dans lequel, également, la menace d”une “clôture des idées” (Philippe Quéau encore) n’a jamais été aussi grande.
>> Article initialement publié sur Affordance
>> Illustrations FlickR CC : DailyPic
]]>Charlene Li avait produit en 2006 une échelle des contributions qui dressaient une typologie des différents acteurs, et mode d’action : créateurs, critiques, collecteurs, simples membres, inactifs…
.On y découvrait ou confirmait que les sufers inactifs formaient le gros du bataillon. Cette ‘échelle constituait une parfaite grille opérationnelle, pour équilibrer les contenus de manière à « engager » l’ensemble des visiteurs d’un site, chacun à leur manière.
Je me réjouis donc de découvrir sa version mise à jour :
Premier constat : les actions disponibles pour chacun des types d’internautes se sont étoffés.
La catégorie Membres ( « Joiners » ) ne se contente plus de consommer les contenus des réseaux sociaux, mais elle y met à jour son profil. Une démarche déjà plus active.
La catégorie Spectateurs ne se contente plus de lire des blogs, ou d’écouter des podcasts, mais part à la recherche des avis et commentaires des autres internautes. Si elle ne participe pas, elle est beaucoup plus immergée dans le contenu participatif.
On voit bien que l’échelle a toujours comme formidable avantage de constituer une belle grille pour composer un contenu engageant.
D’autant que les inactifs ont fondu en 3 ans si on croit les données mises à jour par Forrester :
Clairement, Facebook, Flickr, Twitter, Youtube… ont fait de la participation sur le web un geste banal de culture populaire…
Une lettre à la poste …..Un statut sur Facebook…un tweet…une photo en partage sur Flickr…
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Article de Nadia Tiourtite intialement publié sur Knockin
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