OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 MXP4 lance la plateforme Bopler Games sur Facebook http://owni.fr/2011/04/19/mxp4-lance-la-plateforme-bopler-games-sur-facebook/ http://owni.fr/2011/04/19/mxp4-lance-la-plateforme-bopler-games-sur-facebook/#comments Tue, 19 Apr 2011 16:37:42 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=31628 MXP4, start-up parisienne innovante dans le domaine du social gaming musical, lance cette semaine la plateforme Bopler Games, une série de jeux musicaux sur Facebook, utilisant un catalogue de titres musicaux licenciés, et qui pourrait bien incarner le modèle de rentabilité de l’entreprise.

Après le jeu Je Veux Signer Chez AZ dont nous vous parlions la semaine dernière, et qui a pour but d’animer le casting mené par le label d’Universal tout en développant son image de marque, c’est sur un plan beaucoup plus fédérateur et orienté gaming que se place Bopler. En choisissant de lancer dans un premier temps quatre jeux inspirés des classiques du genre, MXP4 entend séduire les gamers addict comme les moins chevronnés, à qui les formats parleront sans difficulté. Ainsi Space It, Match It, Snake It et Pump (jeu crée par MXP4 et popularisé notamment via une application brandée David Guetta) s’inspirent ouvertement de Space Invaders, Tetris, ou encore Snake, avec un avantage de taille cependant. L’évolution du jeu réagit en effet à la la structure musicale du titre choisi pour jouer (tempo, rythme, voix etc.). Car le centre de ces jeux sociaux est bien la musique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En choisissant en premier lieu un titre parmi ceux proposés, puis un jeu, le joueur cale son expérience ludique sur la musique, et non l’inverse. Quant au catalogue proposé, il est pour l’instant modeste mais devrait se développer très rapidement, les accords avec quatre publishers et deux majors étant finalisés (sans qu’on puisse en savoir davantage pour le moment). EMI est la première major à avoir officialisé la licence de son catalogue.

Albin Serviant, PDG d’MXP4, confirme que le volonté première de ses équipes lors de la création de la plateforme Bloper Games était véritablement “d’imbriquer le jeu et la musique“. Avec 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires, les jeux sur Facebook représentent sans conteste une manne qui, couplée à la musique devrait largement séduire. Selon le PDG, cette somme devrait quadrupler voire quintupler dans les trois ans.

“Le challenge, c’est de donner au jeu sa dimension sociale”.

Qui de la monétisation, et de la rémunération des artistes ? Les sommes engrangées par les jeux, via les Facebook credits, qui permettent aux gamers de jouer sur toute la durée d’un titre (contre 60 secondes en version gratuite), mais aussi d’obtenir des bonus supplémentaires au sein du jeu. Les ayant droit se partagent avec MXP4 70% des revenus générés par la vente de titres (et donc de jeux) complets, les 30% restants revenant à Facebook. Si pour l’instant l’intérêt des artistes n’est pas supérieur à celui d’une mise en vente sur iTunes, il pourrait s’avérer plus conséquent dans les mois à venir. On parle en effet de customisation des jeux avec des artistes via des pages dédiées, ouvrant vers de la vente directe (titres, albums, merchandising…), qui devrait intervenir dans un second temps une fois le décollage de la plateforme passé. Elle devrait apporter aux artistes un véritable plus en liant leur univers aux jeux développés en adéquation avec leur musique.

Il faut cependant garder en tête que 95% des joueurs sur les réseaux sociaux s’adonnent à ce passe-temps gratuitement. Le défi est donc de les engager dans une expérience allant au delà du simple hobby sur Facebook. Ainsi que le rappelle Albin Serviant, “la moyenne du temps passé sur l’application de remix de David Guetta était de 13 minutes“. Autrement dit, suffisamment pour amener le gamer à devenir consommateur, et recruteur de fans via les nombreux outils de challenge de ses amis.

Un défi que MXP4 semble en passe de pouvoir relever, en offrant à l’industrie de la musique une source de revenu potentiellement intéressante. Confirmation ou infirmation dans les mois à venir.

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Le datajournalisme: vecteur de sens et de profits http://owni.fr/2011/04/17/le-datajournalisme-vecteur-de-sens-et-de-profits/ http://owni.fr/2011/04/17/le-datajournalisme-vecteur-de-sens-et-de-profits/#comments Sun, 17 Apr 2011 12:32:46 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=57351 Ce post reprend les éléments d’une réflexion amorcée avec Mirko Lorenz et Geoff McGhee dans un article intitulé Media Companies Must Become Trusted Data Hubs [en] et présentée à la conférence re:publica XI.

Chaque jour, nous produisons deux ou trois exaoctets [en] de données, soit 1 million de téraoctets. Dans le même temps, Facebook et ses 600 millions d’utilisateurs produisent à eux seuls 70 téraoctets, soit à peine 0.007% du total. Pour comparer, un journal papier traditionnel pèse entre 1 et 50 mégaoctets.

Si l’on veut synthétiser toute l’information produite en quelque chose de digeste pour l’utilisateur final, il faut résumer par un facteur de 100 milliards. Pas facile pour un journaliste.

Pour faire sens de cette hyper-abondance de contenus, les professionnels de l’information doivent adopter de nouvelles techniques. Dans un monde analogique, l’enregistrement et la restitution permettent de rendre compte de manière optimale de la réalité. Dans un monde numérique et connecté, la difficulté ne vient plus de l’enregistrement mais de l’extraction de données pertinentes. Pour les exploiter, il devient indispensable de s’approprier des connaissances en analyse de données et en statistiques.

Une fois équipé des bons outils, faire parler des masses de données devient possible. La plupart des opérateurs téléphoniques, tels Vodafone [pdf/en], China Mobile [en] ou Verizon [en], utilisent les données produites par leurs utilisateurs pour prédire les embouteillages, par exemple. De telles techniques pourraient également être utilisées par les journalistes pour prévoir les manifestations.

Toute information est une donnée

L’aboutissement du datajournalisme reste de penser tout type d’information comme une donnée à mettre en lien et en contexte pour lui donner du sens. Si Vodafone est capable de transformer les informations de communication d’un simple GSM en service de prédiction des bouchons, les professionnels de l’information doivent être capables de réassembler et de manipuler les éléments pris dans l’actualité pour en extraire des tendances et du sens pour le citoyen.

L’information telle qu’on la consomme habituellement, sous forme de textes ou d’images, n’est que très partiellement compréhensible par l’ordinateur. Les masses d’information accumulées par les journalistes restent amorphes une fois publiées, alors qu’elles pourraient être valorisées en fournissant le contexte nécessaire à la compréhension des articles du jour.

Certaines initiatives vont dans ce sens. L’International Press Telecommunications Council (IPTC) vient de publier un format de description des données permettant d’identifier clairement les personnes, les lieux et les organisations impliquées dans un article. Ce standard, rNews, a été dévoilé le 5 avril. L’IPTC compte parmi ses membres l’AFP, la BBC et 27 autres acteurs majeurs des médias. Son pas en avant va peut-être accélérer le passage des médias au web sémantique et aux données liées.

Médias liquides

Pour diffuser sur l’ensemble des plateformes et des écrans, les contenus doivent être capables de prendre différentes formes. Du SMS à l’infographie dynamique, l’information doit pouvoir être consommée dans n’importe quelle situation, y compris celles que nous n’imaginons pas encore.

La plupart des rédactions peuvent certainement prendre à leur charge la distribution de leurs contenus sur le web, via leur site. Une petite partie d’entre elles est capable de faire de même sur l’iPhone, sur Android et sur l’iPad. Et malgré ça, aucun média français (à part 10 minutes à perdre) n’est capable de se positionner parmi les 100 app les plus vendues sur iTunes.

En donnant la possibilité à tout développeur d’accéder à leurs informations, les médias peuvent diffuser beaucoup plus largement leurs contenus, sans se poser la question du support. Tout comme la plupart des titres papier externalisent l’impression et la distribution, les sites web peuvent se débarrasser de la diffusion et laisser les spécialistes – les développeurs – s’en charger.

Les API (interfaces permettant aux ordinateurs d’accéder directement à l’information) du Guardian (Open Platform) et du New-York Times (Developer Network) donnent une idée de ce à quoi pourrait ressembler un média réellement liquide. C’est ainsi que les médias pourront cesser de devenir des répertoires de données pour devenir des points d’échange obligés dans le parcours de l’information.

L’actif des médias, en plus de leur marque, reste leur audience. Sa valeur ne provient plus de sa capacité à être vendue aux annonceurs, mais des possibilités de l’intégrer au processus de création de l’information. Le crowdsourcing permet d’augmenter, d’après l’expression d’Eric Scherer, l’information préexistante. Que ce soit pour compléter une base de données (comme nous le faisons avec prixdeleau.fr) ou pour valider des informations (comme sur InfluenceNetworks), l’apport de l’audience différencie profondément un média, enrichisseur de données, d’une base de données « froide ».

Le marché de la confiance

Les médias ont, jusqu’à présent, évolué sur un marché où ils offraient une information à leurs lecteurs ou spectateurs et une audience à leurs annonceurs. A une époque où l’information était une ressource rare et où les annonceurs ne pouvaient pas toucher directement leur public, les médias créaient de la valeur aux deux bouts de la chaîne.

Aujourd’hui, cette position n’est plus tenable. Les lecteurs peuvent contourner les médias et s’informer via de nouveaux canaux (Wikipédia, Facebook, les sites d’institutions ou d’ONG) et les annonceurs peuvent toucher leur audience sans passer par les médias.

Cette dynamique redessine complètement le marché des médias et de l’information. Pour obtenir l’attention de leurs prospects sur un marché hyper-compétitif, les annonceurs ont intérêt à investir massivement dans la qualité du contenu. Unilever, l’un des plus gros annonceurs traditionnels, pénètre ainsi le marché du divertissement en produisant un jeu vidéo en ligne pour ses glaces Magnum (Pleasure Hunt).

Des ONG, qui se seraient auparavant contenté d’envoyer des communiqués de presse aux médias de masse, publient directement les résultats de leurs études et de leurs actions sur leurs sites. Les ONG sont devenues des médias comme les autres [en]. De nouveaux acteurs de l’info, comme Wikileaks et OpenLeaks, l’ont d’ailleurs reconnu clairement. Le premier en offrant les télégrammes diplomatiques évoquant le traité ACTA à la Quadrature du Net [en], une association militant pour les libertés numériques, le second en faisant en sorte d’accueillir en son sein autant d’ONG que de médias.

Les institutions ne sont pas en reste, même en France. Le Quai d’Orsay prend particulièrement au sérieux son nouveau rôle de média. Sur Twitter, @francediplo compte sept fois plus de followers que @France_Info_Com, par exemple. Le ministère des affaires étrangères publie également sa propre série de web-documentaires, Destinations.

La rareté, aujourd’hui, ne réside plus dans l’accès à l’audience (ce pourquoi les annonceurs allaient vers les médias) ni dans l’accès à l’information (ce pourquoi les consommateurs se tournaient vers les médias). La rareté, aujourd’hui, réside dans la confiance à accorder à une information.

Dans un univers de contenus surabondants, produits par tous, la valeur vient de la relation de confiance que l’on arrive à tisser avec son audience. Un tel changement de paradigme met sur un pied d’égalité tous les producteurs de contenus, média y compris.

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Deezer enfin rentable ? http://owni.fr/2011/04/12/deezer-enfin-rentable/ http://owni.fr/2011/04/12/deezer-enfin-rentable/#comments Tue, 12 Apr 2011 08:59:05 +0000 Pascal Rozat http://owni.fr/?p=31530 Deezer, premier service de streaming français, fait actuellement l’objet d’un débat dans la presse, suite à une tribune de son PDG Axel Dauchez dans le Monde à laquelle a répondu le président du SNEP David El Sayegh. Enfin le co-fondateur et ex-PDG de Deezer Jonathan Benassaya a lui aussi pris part au débat en répondant aux questions de Philippe Astor.

Pascal Rozat est chargé de mission à l’INA et écrit également pour des revues et sites web dédiés au jazz.

Le 9 mars 2011, à l’occasion de la rencontre “Mobile 2.0” à Paris, le PDG de Deezer annonçait avoir atteint en seulement huit mois le seuil de 800 000 abonnés payants à son service d’écoute musicale, dépassant ainsi les pronostics les plus optimistes. À l’origine de ce bond en avant : un nouveau partenariat avec Orange, qui intègre depuis août 2010 les services payants de Deezer en option dans ses offres mobiles et ADSL. En se rapprochant d’un acteur majeur des télécommunications, le leader français de la musique en streaming aurait-il enfin trouvé le moyen de monétiser sa plateforme et de faire face aux lourdes sommes qu’il s’est engagé à verser aux ayants droit ? Si tel était le cas, cette alliance stratégique mettrait un terme à plusieurs années de tâtonnements, qui ont vu le site passer d’un modèle économique fondé sur la gratuité totale à une stratégie freemium qui a d’abord peiné à convaincre.

UN CHOIX FONDATEUR : LA MUSIQUE GRATUITE ET LÉGALE

« Deezer.com libère enfin toutes les musiques » claironnait le communiqué de presse du 22 août 2007 annonçant le lancement du nouveau site. Créé par deux jeunes entrepreneurs de moins de trente ans, Daniel Marhely et Jonathan Benassaya, Deezer fait partie de ces start-up qui ont d’abord tout misé sur un service gratuit particulièrement bien adapté à la demande des internautes, conquérant ainsi une large audience sans pour autant disposer d’un modèle économique clair pour la rentabiliser. Dès l’origine, la plateforme d’écoute musicale suscite pourtant l’intérêt de Xavier Niel, fondateur de Free, qui investit 250 000 euros en juin 2007 pour une part de 20% dans la jeune société. À l’occasion d’une augmentation de capital en janvier 2008, il est rejoint par le fonds Dot Corp des frères Rosenblum (fondateurs du site Pixmania), qui acquièrt 24% des parts pour 4,8 millions d’euros, témoignant ainsi de la valorisation exponentielle de l’entreprise en l’espace de seulement six mois.

L’originalité de Deezer est de proposer une vaste offre musicale à la fois gratuite et légale, se posant ainsi comme une alternative novatrice au piratage. Ce choix ne s’imposa pourtant pas d’emblée : Blogmusik.net, ancêtre de Deezer lancé en juin 2006, opère d’abord sans aucune autorisation des ayants droit, ce qui lui vaut d’être fermé en avril 2007 suite à une mise en demeure adressée par les sociétés d’auteur et la SPPF. C’est alors que les deux associés décident d’entrer en négociation avec la SACEM. En seulement quelques mois, un accord est conclu, permettant au site de rouvrir sous le nom de Deezer en août 2007. Reste encore à régler la question des détenteurs de catalogues. Près de deux ans sont nécessaires à la plateforme pour convaincre les quatre majors (1), tout en concluant en parallèle des accords avec plusieurs labels indépendants tels que Believe ou Naïve.

Ces négociations permettent à Deezer d’élargir progressivement son catalogue, qui passe ainsi de 770 000 titres en octobre 2008 à 8 millions aujourd’hui. Avec un choix aussi vaste, Deezer peut revendiquer un accès quasi-universel à la musique, le tout en streaming gratuit. On notera toutefois la persistance de certaines lacunes, notamment dans le domaine des indépendants et de la musique classique. Plus ennuyeux : certains poids-lourds de l’industrie musicale comme les Beatles, Bob Dylan, Led Zeppelin ou Metallica manquent toujours à l’appel, de même que quelques pointures de la variété française, à l’instar de Francis Cabrel ou Jean-Jacques Goldman (2). Enfin, en raison des clauses de territorialité imposées par les maisons de disques, l’intégralité du catalogue de Deezer n’est pas nécessairement accessible dans tous les pays : il peut ainsi arriver que tel titre ne soit pas accessible en Belgique, tel autre uniquement au Royaume-Uni, etc.

LE MIRAGE D’UN FINANCEMENT PAR LA PUBLICITÉ

Si ce nouveau modèle fondé sur la négociation permet à Deezer d’offrir un vaste choix de musique sans craindre de représailles judiciaires, il a aussi un coût, qui se traduit par les reversements dus aux ayants droit. Bien que les différents acteurs se montrent plutôt discrets sur la question, on sait que les majors exigent des avances conséquentes pour la seule mise à disposition de leur catalogue. Selon Le Figaro du 9 mars 2010, le montant total avoisinerait ainsi les 3 millions d’euros, le site devant ensuite payer une somme de l’ordre d’un centime pour chaque écoute d’un titre. Quant à la SACEM, l’accord signé en 2007 lui assure de capter 8% des recettes publicitaires de la plateforme. Au bout du compte, Jonathan Benassaya admettait en octobre 2009 reverser la moitié de son chiffre d’affaires (environ 6 millions d’euros annuels à l’époque) aux ayants droit. Un lourd tribut pour une entreprise aux revenus modestes, dont le modèle initial fondé sur la seule publicité n’a pas fait ses preuves.

Deezer s’affirme d’emblée comme un succès d’audience, avec 773 000 visiteurs uniques recensés en France pour son premier mois d’exploitation en août 2007, chiffre qui atteindra bientôt 2,75 millions en mai 2008, puis 7 millions en décembre 2009. Comme pour nombre de start-up, le défi est posé : comment rentabiliser ce trafic en hausse constante ?

Dès sa création, Deezer propose un système d’affiliation avec iTunes, permettant aux utilisateurs de télécharger sur la plateforme d’Apple un titre qu’ils ont écouté sur Deezer[+]. Mais les commissions versées à cette occasion par la firme à la pomme ne jouent qu’un rôle marginal. Pour monétiser son audience, Deezer compte d’abord quasi exclusivement sur la publicité, présente notamment sous forme de bandeaux. Avec un profil d’utilisateurs plutôt jeune et orienté CSP+, il est vrai que la start-up a des arguments pour convaincre les annonceurs. Mais comme dans le cas des sites de presse, cette source de revenus se révèle néanmoins très vite insuffisante, malgré d’assez bonnes performances : avec 875 000 euros de recettes sur le premier semestre 2008, l’entreprise est loin de pouvoir faire face aux reversement dus aux ayants droit, sans même parler de dégager des bénéfices.

La plateforme persiste pourtant et crée en juillet 2008 sa propre régie publicitaire, Deezer Media, avant d’adopter progressivement une stratégie plus agressive. À partir de février 2009, l’inscription devient obligatoire pour profiter pleinement du service d’écoute à la demande, ce qui permet au site de mieux rentabiliser son fichier clients en ciblant les campagnes publicitaires selon des critères de sexe, d’âge et de zone géographique (moyennant une majoration des tarifs pour l’annonceur, si l’on en croit l’article 6.1.2. des conditions générales de vente 2010 de la régie). Un peu plus tard, au risque d’irriter les utilisateurs, la publicité sonore est introduite en novembre 2009, sous la forme de spots intercalés entre les chansons toutes les 15 minutes environ.

Mais ces innovations ne suffisent pas à rendre le site rentable et certains représentants des ayants droit commencent à s’alarmer de la faiblesse des reversements. En avril 2009, Laurent Petitgirard, alors président du Conseil d’administration de la SACEM, fait grand bruit en déclarant au Monde que le tube de l’année sur Deezer, un titre de rap écouté 240 000 fois, n’a donné lieu qu’à 147 euros de reversements aux artistes…

LE DIFFICILE TOURNANT DU FREEMIUM

C’est donc dans un contexte plutôt tendu que Deezer procède en octobre 2009 à une nouvelle levée de fonds : CM-CIC Capital privé (filiale du Crédit mutuel) et AGF Private Equity entrent au capital de l’entreprise, apportant au total 6,5 millions d’euros. Mais si ces investisseurs acceptent de se lancer dans l’aventure Deezer, c’est qu’un revirement stratégique est déjà amorcé.

Alors même que Jonathan Benassaya avait déclaré lors du lancement du site qu’il ne croyait pas au principe de la musique payante, Deezer abandonne finalement le dogme du tout-gratuit. En effet, le 9 novembre 2009, la société annonce le lancement de ses premières offres payantes. Proposée à 4,99 euros par mois, la formule « Deezer HQ » permet d’utiliser la plateforme depuis son ordinateur sans publicité et avec une meilleure qualité d’écoute (jusqu’à 320kb/s, contre 128 kb/s pour le

gratuit). Mais la véritable innovation réside dans l’offre « Deezer Premium » qui, pour 9,99 euros par mois, propose en plus un accès en mobilité. Depuis octobre 2008 et le lancement de la première application pour iPhone et iPod Touch, Deezer est en effet déjà disponible sur la plupart des smartphones (BlackBerry, Sony Ericsson, téléphones fonctionnant sous Android…), mais avec des services limités : ces applications gratuites permettent ainsi d’utiliser les webradios et les smartradios[+] de Deezer, mais pas d’écouter les titres à la demande, ce qui constitue pourtant la marque de fabrique de la plateforme. Deezer Premium propose donc de « déverrouiller » ces applications (peut-être conçues dès le départ comme des teasers pour la future offre payante ?), en donnant pleinement accès aux services Deezer en mobilité. Autre avantage : l’abonnement permet également l’écoute des titres de son choix en mode « hors connexion », grâce à un système de téléchargement temporaire.

Comme souvent dans le monde de la musique en ligne, il s’avère pourtant bien difficile de convaincre l’utilisateur de sortir sa carte bleue. Alors que l’objectif affiché était de recruter 100 000 abonnés payants avant la fin 2009, seuls 14 000 s’étaient laissé séduire sur les trois premiers mois. Cet échec au démarrage déçoit les actionnaires et plonge Deezer dans une profonde crise de management. Le départ de Jonathan Benassaya, annoncé dans la presse, est finalement démenti, mais le cofondateur du site se trouve bientôt marginalisé suite à la nomination d’un nouveau directeur général en la personne d’Axel Dauchez. Réduit à la fonction de président non exécutif, Jonathan Benassaya quitte finalement Deezer en novembre 2010, en justifiant son départ par la volonté de se consacrer à de nouveaux projets, notamment son fonds d’investissement et incubateur Milestone Factory.

L’ALLIANCE AVEC ORANGE : UNE SOLUTION MIRACLE ?

Venu du marketing et de l’audiovisuel, Axel Dauchez (qui, à 41 ans, fait figure de « sénior » au sein de la start-up) trace une feuille de route visant à renforcer le développement de Deezer sur le territoire français avant de s’attaquer dans un second temps au développement international. Cette stratégie se traduit bientôt par un rapprochement avec Orange, annoncé en juillet 2010 : à partir de la rentrée suivante, l’opérateur télécoms proposera des forfaits intégrant le service Deezer Premium en option, avec ou sans supplément à payer selon les formules.

L’intérêt des deux parties est évident. Pour Orange, cette alliance s’inscrit dans le cadre d’un revirement stratégique : après avoir investi tous azimuts dans des contenus exclusifs pour attirer de nouveaux abonnés, l’opérateur a annoncé en juin 2010 vouloir sortir de cette logique pour privilégier des « partenariats ouverts » avec les producteurs et éditeurs de contenus. Dans cette optique, il paraît naturel pour Orange d’abandonner sa propre plateforme d’écoute lancée en 2009, WorMee, au profit d’une alliance avec Deezer. Quant à ce dernier, il bénéficie désormais de la force de frappe commerciale d’Orange pour gagner enfin les abonnés qui lui font défaut. Scellant ce nouveau partenariat, Orange entre au capital de Deezer à hauteur de 11%, en échange des actifs de WorMee, valorisant Deezer à hauteur de 80 millions d’euros environ selon L’Express. Un rapprochement capitalistique qui ne manque pas de sel quand on songe que l’actionnaire historique de Deezer n’est autre que Xavier Niel, fondateur de Free, l’un des principaux concurrents d’Orange…

Très vite, les premiers résultats semblent indiquer que l’opération est gagnante. Grâce à Orange, le rythme des recrutements passe ainsi de 6 000 à 100 000 abonnés par mois. Alors que Deezer espérait en gagner un million avant la fin 2011, la barre des 500 000 était franchie dès le mois de janvier, et le million est à présent annoncé pour l’été. Prise isolément, l’offre payante de la plateforme ne semblait pas séduire les consommateurs, mais son inclusion dans un bundle (« pack » ou « offre groupée ») Orange a finalement permis de vaincre leurs réticences. Après une année 2010 encore déficitaire, Deezer est donc bien parti pour sortir du rouge, tout en augmentant sensiblement ses reversements aux ayants droit. Lors du Midem de janvier 2011, Axel Dauchez a ainsi pronostiqué que le site paierait environ 20 millions d’euros à l’industrie musicale en 2011. Une inconnue demeure : combien la plateforme touche-t-elle pour chaque abonné Orange ? Axel Dauchez se contente d’indiquer que c’est « un peu moins (…) que les 9,99 euros par mois que paient ceux qui s’abonnent directement à Deezer. »

UN DÉBUT DE DIVERSIFICATION

En parallèle, Deezer s’est engagé discrètement dans une stratégie de diversification. Comme le soulignait Jonathan Benassaya dès mars 2008, Deezer n’est pas seulement un site, mais aussi « une plateforme avec beaucoup de contenus (…) que rien ne nous empêche de mettre à disposition sur d’autres canaux de diffusion ou via d’autres modèles économiques. »

Illustration de cette théorie : le lancement en avril 2010 de SoundDeezer, service B2B proposant la sonorisation de lieux publics et commerces. Fonctionnant à l’aide d’un boîtier spécifique fourni par Deezer, la « D-Box », le service permet de paramétrer la programmation à partir d’un ordinateur en alternant entre cinq ambiances musicales (« moods ») pouvant être diffusées à différents moments de la journée. Pour les entreprises d’une certaine taille, SoundDeezer propose des fonctionnalités plus avancées, telles que le déploiement sur un réseau entier de points de vente, ainsi que la réalisation de « moods » sur mesure fondés sur des techniques de marketing sonore. En s’appuyant sur les statistiques d’écoute dont dispose Deezer grâce aux utilisateurs de son site grand-public, il s’agit alors de cerner au plus près les goûts d’une cible donnée. Le service est proposé sans publicité, mais le client a néanmoins la possibilité d’intercaler les spots promotionnels de son choix au fil de la programmation. Il est également à noter qu’un abonnement au service ne dispense naturellement pas de payer des droits à la SACEM au titre de la diffusion publique d’œuvres protégées. Parmi les premiers clients de SoundDeezer : les restaurants McDonald’s, le Palais omnisport de Bercy et les magasins Micromania. Si les tarifs ne sont pas publiés, on peut toutefois déduire des déclarations d’Axel Dauchez que cette activité récente aurait déjà généré environ 2 à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2010, ce qui est loin d’être négligeable pour un service tout juste lancé.

En décembre 2010, la plateforme a également ouvert un « Deezer shop » en ligne. Outre un casque audio estampillé « Deezer », on y trouve une multitude de produits dérivés (t-shirts, casquettes, mugs, stylos, tongs…) classés par artistes et aussi – plus étonnant pour une entreprise spécialisée dans la musique dématérialisée – une sélection restreinte de disques et de DVD revêtant généralement un caractère « collector » (rééditions « de luxe », coffrets intégraux, rééditions vinyles…). En se lançant ainsi dans le merchandising, Deezer semble prendre acte du mouvement de diversification des revenus qui touche l’ensemble de l’industrie musicale. La société pourrait-elle être tentée à l’avenir de se développer également dans le très lucratif secteur de la musique live, lui aussi en pleine expansion ? Si Deezer ne deviendra sans doute jamais un grand entrepreneur de spectacle, des synergies peuvent certainement être exploitées, notamment en termes de promotion d’événements.

Enfin, l’annonce le 3 mars 2011 de la prise en régie du site Slate.fr signe les nouvelles ambitions de Deezer media, qui élargit son champ d’action au-delà de Deezer pour se positionner comme un nouvel acteur dans le domaine des régies publicitaires en ligne.

CONCLUSION

L’année 2011 semble donc s’annoncer sous de bons auspices pour Deezer, qui devrait améliorer substantiellement ses résultats financiers et pérenniser son modèle économique grâce aux nouveaux abonnés gagnés via Orange. Le site semble avoir réussi son basculement vers le payant, au moment précis où le streaming gratuit commence à être remis en question par les maisons de disques, comme en témoignent les déclarations du PDG d’Universal Music France Pascal Nègre sur Radio Campus, suggérant de restreindre à quatre le nombre d’écoutes gratuites possibles pour un titre donné (proposition vivement contestée par Axel Dauchez dans une tribune parue dans Le Monde où il défend la gratuité comme porte d’entrée vers l’abonnement payant).

La stabilisation du business model de Deezer s’inscrit dans un contexte de forte structuration du secteur en France : outre la création d’un syndicat des Éditeurs de services de musique en ligne (ESML), qui regroupe Deezer, Orange, le GESTE (Groupement des éditeurs de services en ligne) et les plateformes de téléchargement Beezik et Starzik, le mois de janvier 2011 a été marqué par l’annonce des « 13 engagements pour la musique en ligne » conclus dans le sillage de la mission de médiation confiée à Emmanuel Hoog. Cet accord, dont le suivi a été confié à la Hadopi, promet notamment de rendre plus transparentes les relations entre producteurs et plateformes. Une évolution positive pour Deezer, qui pourrait toutefois avoir un effet pervers en facilitant l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché, notamment si les maisons de disques étaient amenées à baisser de manière significative le montant des avances exigées.

Sur le marché français, Deezer a assurément atteint une taille critique, avec environ 7 millions de visiteurs par mois, qui le rend incontournable. Le contexte dans lequel la société évolue n’en reste pas moins fortement concurrentiel. Outre la toute récente résurrection de Jiwa – un concurrent français lancé en mars 2008 et placé en liquidation judiciaire deux ans plus tard – et l’arrivée en France de Qriocity, la plateforme de streaming de Sony, Deezer doit notamment faire face aux appétits du Suédois Spotify, qui semble vouloir se rapprocher de SFR pour contrer l’offensive menée avec Orange. Mais à n’en pas douter, c’est avant tout au plan international que la bataille se joue désormais. Traduit en cinq langues, Deezer réalisait environ deux tiers de son audience à l’étranger au printemps 2010, mais ses abonnés demeurent dans leur grande majorité français. La bataille sera rude, car outre Spotify, qui revendique 1 million d’abonnés dans sept pays, la plateforme devra sans doute aussi composer avec les nouveaux projets des mastodontes Google et Apple, qui n’entendent pas rester les bras croisés devant le développement du streaming musical. Avec l’appui d’Orange, Deezer peut espérer gagner des parts de marché dans plusieurs pays européens où l’opérateur français est bien implanté (Royaume-Uni, Espagne, Pologne…). Le grand enjeu reste toutefois la conquête de l’Amérique du Nord, restée jusque là quasi impénétrable au streaming « à la carte »[+] en raison des réticences des grandes maisons de disques. À quand, par exemple, un partenariat de Deezer avec Verizon Wireless ou AT&T Mobility, leaders de la téléphonie mobile sur ce marché ?

(1) Des accords sont conclus successivement avec Sony BMG (octobre 2007), Universal Music (mai 2008), Warner (septembre 2008) et EMI (avril 2009).

(2) Ces artistes, qui refusent de diffuser leur musique sur Internet autrement qu’en téléchargement payant, sont de ce fait généralement absents aussi des plateformes de streaming concurrentes, notamment Spotify.

Article initialement publié sur INA Global.

Crédits photos : CC FlickR

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How French Site OWNI Profits by Giving Away Its Content http://owni.fr/2011/03/14/how-french-site-owni-profits-by-giving-away-its-content/ http://owni.fr/2011/03/14/how-french-site-owni-profits-by-giving-away-its-content/#comments Mon, 14 Mar 2011 17:56:47 +0000 Mark Glaser http://owni.fr/?p=51291

[NDLR] OWNI.fr concourt aujourd’hui au festival South By SouthWest (SXSW), dans la catégorie “News Related Technologies” du SXSW Accelerator. L’occasion de mettre en avant quelques articles en anglais, proposés par les éditrices d’OWNI.eu Retrouvez ci-après une analyse de ce que fait OWNI, initialement publiée sur PBS Mediashift.

Most content sites in the U.S. have two ways of making money: charging for subscriptions or running advertising (or both). But a French site, OWNI.fr, has found an unusual business model for a site with no ads and no subscriptions — that’s also profitable. How do they do it? Their main business is doing web development and apps for media companies and institutions.

One big advantage for OWNI is its origins as a pure online business, with an entrepreneurial CEO Nicolas Voisin and a staff of web developers. The site was initially an aggregation of bloggers, with the parent company called 22Mars (March 22nd), set up to fight a controversial French copyright law known as HADOPI. While 22Mars was made up of web developers at launch in April 2009, they eventually revamped the site with more editorial direction and hired journalists in 2010 to work alongside the developers.

The result is a striking website, with an eye-catching design and various examples of data journalism and data visualization. In fact, when they set up an English-language site, OWNI.eu, its motto was “Digital Journalism.” The site won an Online Journalism Award at the ONA conference last year, and is a finalist in next week’s SXSW Accelerator competition for “news-related technologies.” Here’s a screen shot from one data visualization showing how many people have died immigrating to Europe from Africa:

All the American interest in the French site will grow exponentially when the site opens a U.S. subsidiary next month, somewhere in the San Francisco Bay Area. I spoke to the future CEO of that U.S. subsidiary, Adriano Farano, an Italian who had helped run Cafe Babel, a pan-European website. Here, he explains what the name OWNI means in French (largely a play on “UFO”):

Farano told me that the parent company, 22Mars, is about a third of the way to closing a Series C round of funding for about 1.5 million Euros, and that they will seek a first round of funding for OWNI.us. In France, the company grew from just 8 people a year ago to 37 today, with 15 full-time journalists. At the same time, Farano says the site traffic also boomed, going from 200,000 monthly unique visitors to 1.5 million uniques today.

I also spoke by phone to OWNI’s director of data journalism, Nicolas Kayser-Bril. The following is an edited transcript of our international phone conversation.

Q&A with Nicolas Kayser-Bril

Why did you start OWNI and what were your aims?

Nicolas Kayser-Bril: It wasn’t planned to be a media company at all. It was started in April 2009, where there was a law called HADOPI being passed in the French parliament, that was dangerous for online freedom [and later was the basis for Loppsi 2]. Several bloggers got together to set up a platform [to fight the law]. And the company that was set up to run OWNI is called 22Mars, and we decided to host the platform so we had a blog network hosted on a WordPress platform. Step by step, the platform grew, and Nicolas Voisin, the CEO of 22Mars decided to take the experiment further and put one person full-time on maintaining and engaging the community.

We saw that this worked well so we put more resources and people into OWNI. So we decided to become a real media [outlet], a real website, still with this strong community of bloggers behind it. In the summer of 2010, we realized that OWNI had become a real media [outlet], ran stories, and really had a big impact in the traditional media sphere. We hadn’t really planned to become one. This changed the way the company was organized. At first we had been more of a showroom for what we’re doing, and today it’s more of a lab where journalists are free to innovate and do what they want.

With that experience, we continue to run our service company, selling website development and applications. We specialize in providing apps and social media platforms. Half of our sales today have to do with social media, and the other half has to do with data visualization, crowdsourcing apps, and running innovative journalistic products. We serve all kinds of institutions and NGOs that have a story to tell but don’t know how to to do it online. We build the tools for them to do so.

When you say half of your sales is social media does that mean helping them with social media strategy?

Kayser-Bril: We do some social media consulting, but most of the work is building social media websites tailor made [for clients]. For instance, with universities, they have unique problems as to how to communicate between teachers and students and the wider public. So we built the interface using WordPress to solve this problem. So we always build custom solutions with added value.

What was your background and that of the OWNI CEO Nicolas Voisin?

Kayser-Bril: Nicolas, our CEO, was an entrepreneur and got into the media in 2006 before the presidential election in France. He started doing a political show; he realized there was a big gap on how the public was informed about candidates’ platforms. So what he decided to do was interview them without time limits and spent hours with them, and then posted them on YouTube. It worked really well, so he thought there was a need to reinvent storytelling online. That’s what drove him.

The other core people at the company are mostly developers. I myself have a background in economics. I never studied journalism. Before OWNI, I was living in Berlin and working at a startup. Before that I was doing freelance work. I was doing online work for a presidential campaign in 2009, mostly web-related things. We didn’t hire a traditional journalist until February 2010. Now we have many seasoned journalists working for us.

So you are set up as a non-profit or for-profit company?

Kayser-Bril: 22Mars is for-profit, and we did not spin off OWNI as a non-profit organization from an accounting perspective. The website does not have to make a profit in the sense that we don’t make money from the website. No subscriptions and no hidden advertisements. The value the website provides is in gaining expertise online that we can then share and sell to clients.

So your model is basically making money by developing websites and custom social media solutions? The site is more of a testing lab?

Kayser-Bril: Exactly. You could compare it to businesses in other industries. We might start selling online objects or other products in the coming months to have more high-margin products.

We will start selling e-books, which is a big driving force of 22Mars — we don’t sell content but we sell products, because everyone knows content is abundant. What’s missing is a way to properly browse through it and consume it. So we’ll be selling apps. Not apps for the iPhone or in the App Store. We always remain on the HTML side and JavaScript and stay compatible with all platforms. So they would run on the open web as well as on the iPhone and iPad.

We’re convinced that the apps you see on the iPhone and iPad and Android in the future will be merged into web apps because it makes more sense economically to develop something once instead of three or four times. We develop for all devices. We recently published what we call an augmented cartoon where you have more depth in text, and can follow links. We made it for the iPad; it was more of an iPad app than it worked on a computer. With HTML 5 you can really design an app and optimize it for the device you want.

Kayser-Bril explains how developers will work for OWNI for less money than at other companies because they have a chance to work on projects about society and politics:

Does OWNI have a specific political viewpoint?

Kayser-Bril: Not really, we’re not really involved in politics. What we do fight for is freedom online and offline, supporting the declaration of human rights. We could lead fights in defense of Internet freedoms (for example, against censorship, for Net neutrality, etc.). We’ll fight against all laws that restrict freedom of speech online. We don’t have any more political views beyond that. When you see the political views of people at OWNI, it ranges from leftist to libertarian so it would be impossible to have a single political line.

Tell me about the work you’ve done for WikiLeaks.

Kayser-Bril: WikiLeaks called us to do similar work that we are doing on a daily basis, which is building interfaces and web apps. Their problem is that they had masses of web documents but they were not comprehensible for a normal human being. So we came up with this app to browse through the Afghan War Logs. It illustrates how OWNI works, because when the Afghan War Logs came out, we realized we could build that just like for the Iraq War Logs.

It was a non-commercial relationship with WikiLeaks, and it made perfect sense because we learned a lot so we could sell crowdsourcing applications. From a business perspective it made a lot of sense.

Kayser-Bril explains how OWNI helps clients with unique open solutions, and that everyone’s become a media outlet now:

Have you done work for media companies?

Kayser-Bril: Yes, many French ones. Our client list include France24, Radio France Internationale, Groupe Moniteur (professional magazines), Le Monde Diplomatique, Slate.fr, Le Soir (Brussels) and Zeit Online (Berlin). We’re in talks with many more, and we’ve worked as well for NGOs and public institutions (the municipality of Paris and the French presidency).

I noticed that you re-post or license content from other sites on OWNI. How much of your content is original vs. reposted?

Kayser-Bril: About half and half. We are trying to reach the 60% mark of original content. If someone is more of an expert than we are, we just republish his or her article. Not just re-posting it, but fact-checking it, adding images — we really want to add value to cross-posted articles.

You have a Creative Commons license on your stories. So does that mean anyone can run your stories on their site?

Kayser-Bril: Of course. Our whole business model is built on the Creative Commons license. On the content side, the more our articles are republished, the happier we are. We don’t have advertising, but we want our articles to be read. Please repost them. On the business side as well, we only use open technologies — HTML and JavaScript and no Flash. And that makes sense because our added value isn’t in the code or software that we build, but how we can answer our clients’ needs and provide them open solutions.

Kayser-Bril explains how OWNI’s new U.S. site won’t consider other media sites as competition but as partners:

Can you point to any successes you’ve had in some of your journalism experiments?

Kayser-Bril: The WikiLeaks project didn’t turn out as well as it could have. One thing we did was rethink the way surveys are made. We worked with a pollster and realized that when a media [outlet] orders a survey, what you get in the paper is a page with two infographics and a pie chart. That’s not enough. We built an app that lets you browse through all the data the pollster gathered to really see in your area what men over 45 thought. What was really successful was we added the possibilitiy for you to take the survey while you were browsing the app.

That’s extremely interesting in terms of journalism, because you can see what your audience is like compared to the people who took the survey. It’s also interesting in terms of business because one big asset today is having a big database with qualified voters and such an app would be very valuable for many clients.

> This article was originally published on Mediashift

> Crédits Photo FlickR CC : Don Solo

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http://owni.fr/2011/03/14/how-french-site-owni-profits-by-giving-away-its-content/feed/ 36
Dis moi comment tu vends ta musique, je te dirai qui tu es http://owni.fr/2011/03/05/dis-moi-comment-tu-vends-ta-musique-je-te-dirai-qui-tu-es/ http://owni.fr/2011/03/05/dis-moi-comment-tu-vends-ta-musique-je-te-dirai-qui-tu-es/#comments Sat, 05 Mar 2011 09:00:21 +0000 Anastasia Lévy http://owni.fr/?p=49789 L’expérience Radiohead

En 2007, Radiohead avait eu l’air de proposer le meilleur modèle possible pour vendre son album, In Rainbows. Le pay-what-you-want, un système avec lequel tout le monde était gagnant, sauf les maisons de disques, pointées comme des exploiteurs d’art, faisant leur beurre sur le dos des artistes et du public. Alors que tout le monde avait salué cette démarche, à part quelques commentateurs n’y voyant que le côté commercial, Radiohead remet tout en cause en ce début d’année et propose son nouvel album à un prix fixe. Ou à des prix fixes plutôt. Les internautes doivent dépenser au moins 7 € pour télécharger huit titres en mp3, jusqu’à 39 € pour un mystérieux futur « newspaper album » et dès à présent les titres en .wav. Thom Yorke avait prévenu dès 2008 (interview dans The Hollywood Reporter) que la distribution d’In Rainbows était une réponse unique à une situation particulière (après leur bataille pour se séparer d’EMI), mais tout le monde autour martelait (par ici ou par là) que ça avait été particulièrement bénéfique pour eux, au moins par les retombées externes à l’album (concerts, réputation, impact même de l’album sur l’industrie de la musique). Radiohead revient aujourd’hui dessus, expliquant que c’est une « progression logique ».

Mais de logique, personne ne peut parler aujourd’hui, dans l’industrie de la musique. Chacun y va de son innovation plus ou moins intéressée/intéressante, mais aucun modèle ne s’impose finalement. Alors que se développent difficilement des lieux de rencontre et de dialogue pour les acteurs qui veulent se poser la question de l’évolution de ce marché (voir, par exemple, le bilan de MusicNet.works) la tendance est encore à l’opposition, du simple mépris aux procès qui durent des années (majors contre plateformes de téléchargement, majors contre artistes, artistes contre plateformes, et même pire, artistes contre public).

Ce n’est évidemment pas parce que Radiohead l’a abandonné que le pay-what-you-want est mort. Si le groupe d’Oxford est le poil à gratter des majors, Nine Inch Nails est leur cauchemar. Pas question pour le groupe de repasser à une autre formule que le pay-what-you-want pour le groupe de Trent Reznor qui avait, à l’époque où ils étaient chez Universal, appelé leurs fans à voler leurs albums, et fait l’apologie du site de « piratage » Oink.

Le DIY et le crowdfunding

Ce système ne marche pas, comme on pourrait le croire, qu’avec des groupes déjà bien installés. Il a récemment permis à de petits groupes de faire le buzz autour de leur premier album, comme les excellents Yellow Ostrich, qui proposent de « name your price » pour télécharger l’album en numérique : « Download it for free, or pay-what-you-want, its your choice ». Forts de leur démarche, qui prend plutôt bien, ils placent sur leur bandcamp un lien vers Kickstarter, site de financement par les internautes sur lequel ils proposent d’investir dans… la production de leur album en vinyl. Le groupe n’a donc rien déboursé pour leur album physique : pour qu’il soit produit, il fallait que les internautes investissent (sans retour sur investissement possible, à part un cadeau déterminé à l’avance) au moins 2500 $, objectif atteint en quelques semaines. Ca fait rêver, tant la simplicité de la démarche a propulsé sa réussite.

Le côté pratique des majors

Et pourtant, même pour les jeunes groupes, la signature sur un gros label reste un des premiers objectifs. Frida Hyvonen nous confiait récemment que sa signature chez Universal Publishing, après trois albums en production et distribution indépendantes, était un soulagement : plus d’argent et donc plus de temps pour créer et pour enregistrer. C’est effectivement encore là que les moyens de production sont concentrés, et que les artistes sont chouchoutés. On comprend ainsi que les gros, type Daft Punk ou Dr Dre ne cherchent pas à se séparer de ceux qui leur offrent sécurité et visibilité (voire matraquage médiatique).
Et le rapport de force s’inverse : les maisons de disques signent aujourd’hui des contrats qui bénéficient plus aux artistes qu’avant. Les labels sont devenus les employés des artistes.

Par ailleurs, les majors ont développé ou racheté des labels spécialisés ou indie, comme Blue note (label jazz d’Herbie Hancock ou John Coltrane) chez EMI, ou Nonesuch chez Warner, qu’ils tiennent à bout de bras. Besoin d’une caution artistique ? Peut-être, mais personne ne peut nier que c’est bénéfique pour les artistes. Mais…aussi pour les majors, qui évitent ainsi de prendre les risques nécessaires à la vitalité du monde musical. Au lieu de produire des artistes non calibrés pour le marché, elles exploitent les catalogues de ceux qui ont pris ces risques.

Des labels qui pèsent

De trop rares exemples prouvent que la signature sur un label indé n’empêche pas un tel succès : Arcade Fire, sur Merge records, connaît un succès phénoménal, tandis que récemment Vampire Weekend, sur XL’s recordings, voyait son album Contra devenir n°1 des charts albums aux Etats-Unis. XL ne sort pourtant que…six albums par an, et signe un nouvel artiste par an : le choix de l’hyper-spécialisation. Richard Russell, le PDG du label confiait au Guardian : « On refuse 200 000 démos par an. En gros, on dit non à tout, et même à plein de grands artistes. Il faut une dose de courage pour faire ça. C’est une philosophie anti-commerciale ». Russell évite les dépenses inutiles (des clips ? pour quoi faire…) et ne dépense jamais plus que ce qu’il a… Un modèle simple et payant.

Certains musiciens refusent encore de traiter les questions bassement matérielles de distribution et de se poser même la question de l’avenir de l’industrie dans laquelle ils vivent. Est-ce déshonorant de parler d’autre chose que d’art ? Ceux qui le font sont en général attaqués là-dessus (voyez les dizaines de critiques de Radiohead…), alors que ça ne suppose absolument pas de mettre de côté l’aspect musical.
Toute l’industrie de la musique s’agite depuis une dizaine d’années déjà pour savoir quel modèle ressortira vainqueur du séisme de la gratuité. Mais la réponse sera peut-être dans l’hétérogénéité, chaque groupe définissant son modèle personnel comme une partie de sa personnalité.

Article initialement publié sur OWNImusic

Crédits photos CC flickr : dunechaser, dullhunk, superde1uxe

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http://owni.fr/2011/03/05/dis-moi-comment-tu-vends-ta-musique-je-te-dirai-qui-tu-es/feed/ 7
YouTube: un modèle gratuit qui paye? http://owni.fr/2011/02/26/youtube-un-modele-gratuit-qui-paye/ http://owni.fr/2011/02/26/youtube-un-modele-gratuit-qui-paye/#comments Sat, 26 Feb 2011 14:15:41 +0000 Eliot Van Buskirk http://owni.fr/?p=48183

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Article initialement publié surEvolver.fm, traduit par Audrey Malmenayde et repéré par OWNImusic.com.

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Eliot Van Buskirk écrit pour le site Evolver.fm et s’interroge sur les problématiques liées à l’évolution des business models de la musique.

Baby, de Justin Bieber, la vidéo la plus vue sur YouTube

Alors que les maisons de disques et les sites de musique en ligne se battent pour convaincre les fans de musique de continuer à payer la musique, YouTube, lui-même un acteur majeur du secteur de la musique enregistrée, affirme que la distribuer gratuitement est aussi rentable pour les ayant-droit que de la faire payer, le tout étant inextricablement lié aux services de musique en ligne freemium comme Spotify et le très attendu Google Music.

Dans un entretien accordé à Evolver.fm au début du mois, les dirigeants de YouTube confirment que le site peut rapporter aux labels autant que des services payants et mettent en avant l’augmentation oscillant entre 200 et 300% de recettes que le site a générées auprès des titulaires de droits d’auteur l’année passée. Ils incombent cette forte croissance à l’augmentation générale du trafic notamment sur les téléphones mobiles, à des formats de publicité optimisés et plus rentables, à l’intégration d’AdWords dans le contenu vidéo (à travers lequel les annonceurs proposent des publicités que l’internaute « choisit » de regarder), à une nouvelle génération de curateurs qui partagent les vidéos sur les blogs et les réseaux sociaux multipliant ainsi leur audience, à des équipes commerciales plus efficaces particulièrement au sein de Vevo (une joint-venture associant Google, les principales maisons de disques et Abu Dhabi) ainsi qu’au système d’identification de contenu de YouTube qui permet aux détenteurs de droits d’auteur de gagner de l’argent même dans le cas d’une utilisation frauduleuse de leurs chansons.

« Nos plus gros partenaires musicaux gagnent plusieurs millions de dollars par mois » confie Chris Maxcy, le directeur des partenariats liés aux contenus sur YouTube. « Ce qui est également très impressionnant, c’est le niveau de croissance. Les niveaux de monétisation ont été multipliés par 2 voire 3 et ce seulement sur l’année passée…Nos labels partenaires sont ravis et nous misons sur une poursuite de la tendance. J’espère que d’ici un an nous pourrons annoncer de nouveau une multiplication des recettes par 2 ou 3 ».

Selon YouTube, la musique gratuite est aussi rentable que la musique payante. Et cela pourrait inspirer Google…

« Nous ne sommes pas attachés à un unique modèle payant en soi » explique Phil Farhi, un chef de produit au sein de l’équipe responsable des solutions de monétisation pour YouTube chez Google. « Nous nous sommes jusque là beaucoup concentrés sur la publicité, mais si certains utilisateurs dépensent de l’argent pour du contenu, d’autres dépensent du temps et de l’attention. Nous nous sommes penchés sur cette seconde catégorie. Et nous voyons qu’en optimisant vraiment tout, nous pouvons rapporter aux labels autant que les autres. »

Certains ne considèrent pas la valeur de la musique gratuite car ils demeurent trop concentrés sur son prix.

« C’est un piège connu : les gens se concentrent uniquement sur le prix des services intégrant la publicité en opposition au prix des plateformes d’abonnement ou de téléchargement », précise Phil Farhi. « Il ne faut pas seulement s’intéresser au prix mais aux niveaux d’audience et de visionnages atteints. »

La gratuité d’un produit en augmente la consommation. C’est une règle microéconomique avérée et une tendance prévisible. En effet qui ne voudrait pas d’un repas gratuit ? Ce qui est plus surprenant c’est que YouTube affirme pouvoir générer autant de recettes que des services payants à l’instar d’iTunes.

« Si on se penche sur les chiffres de Lady Gaga et que l’on compare le nombre de visionnages d’une vidéo sur YouTube et le nombre de téléchargements sur iTunes, il est évident qu’elle gagnera plus d’argent au travers d’un téléchargement payant que d’un visionnage sur YouTube » explique Phil Farhi. « En revanche si l’on raisonne en termes de trafic (c’est à dire le nombre de personnes qui regardent plusieurs fois ses vidéos, qui les regardent avant même de télécharger la chanson ou même découvrent l’artiste sur YouTube) il est aisé de comprendre comment ce système gratuit peut rivaliser avec un service payant. »

Le dilemme entre musique gratuite et musique payante a d’autant plus d’écho que la musique est aujourd’hui de plus en plus distribuée via des applications installées sur les téléphones mobiles, ordinateurs et à terme télévisions ou même autoradios. Les petits développeurs ne pouvant négocier des licences en propre auprès des labels mais désirant intégrer la lecture de morceaux complets à leur offre font face à un choix difficile. Ils peuvent soit intégrer gratuitement les vidéos YouTube à leur application (via Discovr) soit développer un abonnement limitant le temps d’écoute à 30 secondes pour les non-inscrits (MusicMapper).

Il y a quelques semaines, nous avons interrogé YouTube sur les risques que font peser sur l’industrie musicale une offre de musique gratuite et à la demande devenant une alternative à des services tels que MOG, Rdio, Rhapsody ou Spotify auprès des utilisateurs et des développeurs.

« Vous soulevez des questions intéressantes au sujet de certaines de ces applications » nous a répondu le directeur des partenariats liés aux contenus  Chris Maxcy. « Notre philosophie est la suivante : nous souhaitons rendre notre contenu le plus accessible possible. Nous voulons être la plus grande plateforme de divertissement, et nous pensons l’être déjà. Nous voulons nous assurer que les internautes ont accès aux vidéos par différents moyens…Tout cela est positif mais le risque avec ce principe et le système attenant, c’est que quelques personnes dans le monde abuseront de votre bonté et de l’accessibilité du contenu. Avec nos APIs, la grande majorité des développeurs respecte nos conditions d’utilisation. »

Sur les 10 vidéos les plus populaires sur YouTube, sept sont musicales

Les conditions d’utilisation de l’API YouTube précisent que les développeurs qui veulent intégrer des morceaux entiers à leur application peuvent le faire seulement s’il s’agit d’applications non commerciales (NB : cette information a été livrée par Farhi lors de l’entretien mais apparemment YouTube autorise l’utilisation de son interface dans une optique commerciale), si les vidéos complètes sont présentées et non seulement la musique qui en est extraite, et si les publicités de YouTube sont prises en compte.

Songza, Muziic et d’autres services n’ont pas respecté ces règles il y a quelques années, suite à quoi YouTube leur a interdit l’accès à son API ou menacé d’interdiction.

« Je pense que les applications intégrant la musique sont une excellente idée et nombre de services sont sérieux. Il est plus intelligent pour un développeur de s’assurer de respecter les conditions d’utilisation que de penser pouvoir les contourner pour accéder à notre plateforme » précise Phil Farhi. « Ils seront obligés de cesser leur activité et l’expérience du consommateur sera mauvaise car il ne pourra plus regarder les vidéos YouTube ».

Il est donc clair que si les développeurs d’applications poussent trop loin leur intégration de YouTube, ils en seront empêchés et YouTube a prouvé par le passé être capable de telles mesures. En revanche le constat que la musique gratuite est aussi rentable que la musique payante prouve que les développeurs devraient inclure les deux options : des vidéos YouTube pour les fans qui ne veulent pas payer pour écouter de la musique et un service d’abonnement tel que Rdio pour ceux qui désirent le faire.

A terme, le véritable bénéficiaire du postulat « la musique gratuite et la musique payante génèrent autant de recettes » pourrait être Spotify, ou même Google.

Phil Farhi constate le succès de Spotify sur la plateforme Facebook en Europe, car les internautes intègrent les liens Spotify à leur fil d’actualité (la version gratuite offre jusqu’à 20 heures de musique par mois). De plus, Spotify s’intègre directement à Facebook comme un réseau de partage musical. En revanche aux Etats-Unis les utilisateurs de Facebook préfèrent largement intégrer la musique via YouTube, comme chaque fan de musique américaine sur Facebook a pu le constater.

L’atout de Spotify réside dans sa capacité d’une part à rentabiliser l’écoute gratuite au travers de la publicité, d’autre part à permettre aux utilisateurs prêts à payer des services supplémentaires (application mobile, lecture hors ligne, meilleure qualité de son, absence de publicité) de ne pas changer de service et risquer de perdre leurs playlists, notes et contacts.

La leçon à tirer du débat entre YouTube et les services de musique payants est que Spotify, ou un type de service équivalent tirant profit à la fois de la musique gratuite et payante, est capable de générer des recettes au sein d’une industrie en proie à une profonde crise.

Lire la réaction de David Hyman, PDG de MOG au sujet de cet article.

Illustrations CC FlickR: webtreats & captures d’écran.

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http://owni.fr/2011/02/26/youtube-un-modele-gratuit-qui-paye/feed/ 2
L’AFP peut-elle survivre au web et aux réseaux? http://owni.fr/2011/02/22/lafp-peut-elle-survivre-au-web-et-aux-reseaux/ http://owni.fr/2011/02/22/lafp-peut-elle-survivre-au-web-et-aux-reseaux/#comments Tue, 22 Feb 2011 12:16:20 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=47937 C’est une vénérable maison qui s’ouvre petit à petit au nouveau monde numérique. Après des débuts timides, l’AFP a donc décidé de s’intéresser de près au web communautaire. Emmanuel Hoog, président de l’agence depuis un peu moins d’un an, part même à la rencontre des journalistes, blogueurs et autres twitteurs de la place pour échanger avec celles et ceux qui observent de près le web communautaire. C’est dans le même but qu’il participera cette semaine à l’excellente émission de RFI, l’Atelier des médias.
Le 8 février, j’étais ainsi convié, avec une dizaine d’autres à déjeuner à l’AFP (pas de name dropping ici, ceux qui étaient présents le diront d’eux-mêmes… ou non !).

Autour de la table, outre les bloggeurs et Emmanuel Hoog, se trouvaient entre autres Philippe Massonnet (directeur de l’information), Juliette Hollier-Larousse (Deputy Global News Director), Sylvie Vormus (Communication and Brand Director) ou encore François Bougon, le nouveau “Monsieur réseaux sociaux” de la maison. La rencontre de deux univers, parfois méfiants l’un envers l’autre, souvent curieux et qui ont forcément beaucoup de choses à se dire.

Et d’abord un constat : les réseaux sociaux, et le web communautaire en général, bousculent l’AFP. Présente dans 165 pays et forte de 2 900 collaborateurs de 80 nationalités différentes, l’AFP est une véritable institution qui a du mal à trouver sa place dans une cartographie médiatique qui ne cesse de changer. Et s’interroger sur sa place dans les médias version 2011 tient un peu de la quadrature du cercle.

Copiée par tous, payée par personne ?

C’est l’un des plus grands risques qui guette l’agence. En 2011, une info qui “tombe” depuis l’AFP sur les sites de ses clients est immédiatement reprise par l’ensemble des médias et circule en quelques minutes sur d’autres sites d’infos, sur les réseaux, sur les blogs. La part de ceux qui utilisent l’info de l’AFP en l’ayant payée se réduit ainsi de jour en jour avec le risque, au final, de voir les clients historiques se demander s’ils ne payent pas pour les autres.

Face à ce danger, l’AFP ne peut pas faire grande chose… Impossible d’interdire la reprise de l’info par des médias qui ne sont pas ses clients, cela reviendrait à interdire le droit de citation, difficile de partir à la chasse aux contrevenants réguliers et de mauvaise foi. Jusqu’ici, l’agence était à l’abri de ce danger car tous ses clients, ou presque, vivaient sur la même temporalité et ne pouvaient donc pas se passer du fil AFP, sous peine d’être toujours en retard face à leurs concurrents. Mais en 2011, l’exclusivité du client payant de l’AFP ne dure, au mieux que quelques minutes. Pire, les sources officielles sont chaque mois un peu plus nombreuses à ne plus utiliser l’AFP et les grandes agences comme canal de diffusion de leurs infos, à l’image de Herman Von Rompuy, le président de l’Union Européenne qui tweete l’info directement.

À l’heure où la presse va mal, où chaque journal scrute ses dépenses pour dénicher le moindre euro à économiser, la tentation pourrait devenir forte de ne plus payer son abonnement AFP, sans pour autant se passer de ses infos en mettant en place une veille web et réseaux efficaces.
Cette tentation est d’autant plus forte dans la presse régionale. L’AFP n’y alimente “que” les pages nationales et internationales dont les directeurs de rédaction savent pertinemment qu’elles ne constituent pas le cœur de leur offre éditoriale print et web. Et si sur le sujet Emmanuel Hoog se veut rassurant, affirmant que le coût de l’abonnement AFP reste marginal pour les quotidiens régionaux, il est pourtant évident qu’ils sont de plus en plus nombreux à y penser.

Histoire de corser le tout, l’AFP ne dispose pas de toutes les armes pour lutter efficacement contre le “pillage” potentiel de ses richesses. Une réponse intéressante pourrait consister à faire de l’agence un média à part entière, installé sur le web et les réseaux et s’adressant directement au public pour maîtriser le flux de son info. Mais l’AFP risquerait alors de couper l’herbe sous le pied de ses propres clients. Que diraient Le Monde, Libé, Les Échos et tous les autres si le grand public avait accès gratuitement à une partie des infos de l’agence qui composent, entre autres, leur propre offre éditoriale ?

Indispensable, mais elle doit muter en profondeur

Et pourtant, l’AFP est indispensable. Par le fait même que ses infos sont reprises partout en quelques minutes, elle prouve combien son rôle est important dans le paysage médiatique hexagonal et international. Son implantation, son réseau, son savoir-faire de vérification et de contextualisation de l’info sont ses atouts les plus précieux à l’heure d’une info qui circule de plus en plus vite sans toujours prendre le temps d’être recoupée.
Et c’est sans doute là sa planche de salut, comme on a pu le vérifier lors des événements de Tunisie. À plusieurs reprises, des infos en apparence sérieuses ont circulé très rapidement sur la toile et les réseaux, bientôt reprises par d’autres agences concurrentes de l’AFP. Sous pression, l’agence a pourtant pris le temps, parfois long, de les vérifier, quitte à être en porte-à-faux vis-à-vis de certains clients. Bien lui en a pris puisque, par deux fois au moins selon Emmanuel Hoog, les infos en question se sont avérées fausses.
L’impossibilité faite à l’AFP de travailler en direct à destination du grand public est un handicap dans la course à l’info en temps réel ? Elle peut en faire un atout vis-à-vis de ses clients, à condition de faire grandement muter son offre.

Agence de fact checking à la demande ?

En Iran, il était difficile de vérifier certaines informations pendant la révolution de 2009.

La nouvelle temporalité médiatique est en train de faire naître une nouvelle demande, un nouveau besoin pour les clients de l’agence : le fact checking à la demande. Alors que les rédactions disposent souvent de moins en moins de temps et de moyens pour vérifier l’info et la contextualiser, l’AFP pourrait tenir ce rôle. Elle le fait aujourd’hui naturellement sur ses propres infos, une piste intéressante pourrait être de le faire à la demande, sur des infos dont elle ne serait pas forcément à l’origine. Ses clients achèteraient alors moins sa capacité à produire de l’info que son savoir-faire à vérifier et certifier celles qu’on lui soumettrait.

En somme, passer d’une économie entièrement centrée sur l’offre, à un modèle mixte dans lequel la réponse à la demande précise et ciblée des clients prendrait une place de plus en plus importante. Passer d’une agence de production à une agence certifiant l’info. Plus facile à dire qu’à faire dans une maison aussi grande, mais les grandes échéances médiatiques françaises de 2012 pourrait constituer un terrain d’expérimentation formidable.
Sans oublier, enfin, que l’AFP dispose d’un laboratoire en ligne qu’elle n’utilise encore que très timidement : Citizenside, dont elle est l’un des principaux actionnaires. Mais là encore, le changement culturel est de taille, l’AFP osera-t-elle l’entreprendre ?

Billet initialement publié sur Cross Media Consulting

Image CC Flickr expertinfantry et John McNab

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http://owni.fr/2011/02/22/lafp-peut-elle-survivre-au-web-et-aux-reseaux/feed/ 0
Le modèle Beezik décortiqué http://owni.fr/2011/02/14/le-modele-beezik-decortique/ http://owni.fr/2011/02/14/le-modele-beezik-decortique/#comments Mon, 14 Feb 2011 11:00:07 +0000 Caroline J. http://owni.fr/?p=30268 Caroline J. vit au Québec et écrit sur le blog EntertainD

Aujourd’hui, je vous présente un petit bijou d’Internet que j’ai découvert et qui, selon moi, représente une véritable révolution dans le monde de la musique: Beezik . Enfin un concept qui ravit tout le monde : une plateforme de téléchargement de musique gratuite ET légale !

L’entreprise naît en 2009 d’un constat très simple : depuis 10 ans, les internautes rechignent à payer pour l’achat de musique. Beaucoup de sites d’écoute de musique apparaissent, mais cela oblige toujours les utilisateurs à rester connectés devant leurs ordinateurs. Ainsi, pour se démarquer, les fondateurs de Beezik ont choisi de miser sur la portabilité des morceaux en créant le premier site de téléchargement de musique entièrement gratuit et légal. Mais comment rentabiliser le site sans faire payer l’utilisateur?

Publicité : oui, mais pas n’importe comment !

Toujours la même recette : la publicité. Mais avec modernité et originalité !
1) une première publicité audiovisuelle apparaît pendant le téléchargement, mais pas n’importe laquelle : celle que vous aurez choisie auparavant parmi les 4 marques qui vous auront été proposées (et il y en a pour tous les goûts!) ;
2) une fois sur votre ordinateur, une publicité fixe de la marque choisie est accolée à l’image du titre extrait ;
3) cette même publicité apparaît sur tous les supports d’écoute où le morceau est exporté (dont la nouvelle application pour iPhone et iPod), car les fondateurs ont optimisé le téléchargement pour proposer des titres sans DRM.
4) et comme si cela ne suffisait pas, à la fin de la procédure, vous êtes récompensé de 0,30€ à dépenser chez les sites transactionnels partenaires.`

Le revers de la médaille

La majorité des revenus du site vient des publicités visualisées pendant le téléchargement. Ainsi, pour survivre, le site doit s’assurer de nombreux annonceurs et donc proposer un concept avantageux à ces marques. C’est là que Beezik devient innovant : en plus de choisir votre publicité, le site ne vous laisse que quelques secondes pour confirmer votre téléchargement. Les fondateurs assurent ainsi à leurs clients annonceurs une grande visibilité : la promesse de visionnage complet de la publicité par les internautes incite les marques à signer.

Mais ça ne s’arrête pas là, la visibilité de la marque est renforcée par sa présence en dessous du titre sur chaque support utilisé. Et, bien sûr, comme c’est l’utilisateur qui a choisi la marque publicisée, l’annonceur est certain de rejoindre un public intéressé. C’est grâce à ce concept intelligent que Beezik a déjà réuni plus de 40 marques et non des moindres : Nike, EMI, Mc Donald, Blackberry…
Et ça rapporte gros! A 25 centimes le clic (pour l’annonceur) et avec plus d’un million de membres, il est certain que la jeune start-up Beezik est vouée à devenir une grande entreprise (Source : Techcrunch).
Enfin, la récompense de 0,30€ par téléchargement est aussi, selon moi, une publicité détournée. Après avoir téléchargé plusieurs morceaux (et donc avoir amassé quelques euros), l’internaute est tenté de dépenser la somme acquise chez les sites partenaires. Et Beezik reçoit certainement un pourcentage des ventes pour la redirection des internautes vers ses partenaires, ce qui assure encore une fois la rentabilité du site.

Et les artistes ???

Bien sûr, une partie des revenus est reversée aux artistes et autres ayant-droits (maisons de production…). Mais les spécialistes du domaine restent partagés : les revenus de ce type de commerce ne sont pas aussi importants que ceux de la vente de disques, ou même de la vente de titres numériques. Et les maisons de production commencent à s’interroger sur l’avenir de la musique face au commerce électronique musical de plus en plus populaire.
Les artistes ont déjà envahi le web pour leur promotion : ils sont maintenant présents sur les réseaux sociaux, créent leur propre site, et profitent des nouvelles chaînes musicales sur internet. De leur côté, bien qu’ils aient accepté cette évolution dans la promotion des artistes et de leurs disques, les producteurs ne sont pas encore prêts à transposer cette révolution dans la distribution de leur musique sur la toile.

Beezik pose la question de la viabilité du modèle de téléchargement sponsorisé par la publicité (après le streaming, avec Spotify et Deezer notamment) mais semble pour le moment être une alternative satisfaisante aux plateformes classiques. Il sera intéressant d’observer l’évolution de ce business model dans les mois à venir.

Article initialement publié sur le blog EntertainD.

Crédits photos : FlickR CC allthatimprobableblue

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Google vs. music http://owni.fr/2011/02/02/google-vs-music/ http://owni.fr/2011/02/02/google-vs-music/#comments Wed, 02 Feb 2011 09:38:03 +0000 Music Ally http://owni.fr/?p=30064 Cet article fait partie d’une série publié sur le site Music Ally, et disponible ici.

La relation de Google avec l’industrie musicale est la définition même de “meilleur ennemi”. Avec YouTube et Vevo, la firme de Mountain View est devenu un partenaire incontournable des labels, mais a chuté particulièrement brutalement avec GEMA (société de gestion collective en allemagne). Son attitude à l’égard du copyright a été le principal point d’achoppement, du moins jusqu’à l’annonce surprise de décembre.

La situation de Google est un peu particulière : l’entreprise possède la plus grosse plateforme de consommation de musique au monde (YouTube), mais c’est aussi le plus gros répertoire de musique illégalement téléchargeable au monde. L’entreprise a lancé en Chine un service de téléchargement anti-piratage financé par la pub, alors que son service AdSense affiche régulièrement de la publicité pour des sites pirates. Oh, est-ce que nous avons mentionné le fait qu’ils voulaient lancer un service de stockage de fichiers ‘dans les nuages’.

YouTube reste en désaccord avec GEMA et plusieurs artistes en Allemagne, même si il a résolu son différend avec PRS Music en Grande-Bretagne. Son procès pour violation de copyright contre Viacom était un rappel salutaire du chemin parcouru depuis son rachat par Google : son système ContentID a aidé avec succès les labels à gagner de l’argent avec les contenus uploadés par des utilisateurs tiers, même si les éditeurs se sont plaints de la manière dont Google reconnaissait les ayant-droits dans ce domaine.

D’une certaine manière, beaucoup des problèmes historiques entre Google et l’industrie de la musique se résument à un choc des cultures, incarné cette année par un tweet de Nikesh Arora, cadre de Google : “Je vais discuter avec l’industrie musicale britannique cette semaine. Des idées sur des choses à propos desquelles je dois les éclairer ?” Cela n’a pas aidé Google à changer la manière dont il est perçu : arrogant et pas assez inquiet des problèmes des ayant-droits.

C’est pourquoi l’annonce récente sur les infractions au copyright est si importante, sans parler du fait que certains corps de l’industrie musicale – notamment le BPI – s’inquiètent que Google n’aille pas assez loin.

L’entreprise s’est efforcée de simplifier son formulaire de retrait de contenu, d’améliorer sa fonction ‘Suggestion’ afin que les utilisateurs ne soient pas incités à rajouter ‘torrent’ ou d’autres termes associés au piratage à leurs recherches et de travailler avec des services de musique légaux pour offrir des extraits gratuit au sein des résultats de recherche.

Ce que Google ne fait pas, c’est de retirer automatiquement les sites contrevenants de ses résultats de recherche, en tout cas pas sans une demande de retrait. C’est ce qui a provoqué la colère de BPI, faisant dire à son patron Geoff Taylor que Google “ignorait le coeur du problème – et que sa recherche dirigeait une écrasante majorité de consommateurs à la recherche de musique ou d’autres divertissements numériques vers des sites illégaux”.

Cependant, d’autres actionnaires ont confié à Music Ally que les progrès de Google correspondaient à leurs attentes en matière de changement dans ses services. Le point important, c’est que Google a écouté l’industrie et a évolué sur la plupart de ses sujets d’inquiétude. De manière assez peu surprenante, étant donné que Google est simultanément en négociation avec des ayant-droits en vue de lancer son propre service musical, ce qui requiert autant de bonne volonté que possible, étant donné également ses propositions de stockage ‘dans les nuages’.

Si 2010 était l’année du “processus d’écoute”, 2011 sera celle où Google Music pourra peut-être prouver qu’il peut faire une différence pour l’industrie de la musique – comme l’espère Edgar Bronfman Jr de WMG, à en juger des commentaires sur ses derniers résultats trimestriels. Le lancement en décembre de Google eBooks fournit une preuve limpide de l’ambition de l’entreprise : un service qui permet aux gens d’acheter des e-books et de les lire sur différentes plateformes, appareils ou navigateurs.

L’histoire de iTunes a rendu les ayant-droits méfiants vis-à-vis des entreprises hi-tech qui leur promettent de révolutionner leur business, mais cela les pousse également à encourager la concurrence d’iTunes dans l’écosystème de la musique. Google pourrait faire l’affaire : c’est pourquoi 2011 pourrait voir l’industrie musicale surveiller de très près son meilleur ennemi.

Article initialement publié sur Music Ally et traduit par Martin Untersinger.

Crédits photos CC FlickR Lars Plougman, Sonicbloom, dullhunk

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Business model de l’Internet: des moments noirs à venir ? http://owni.fr/2011/01/24/business-model-de-l%e2%80%99internet-des-moments-noirs-a-venir/ http://owni.fr/2011/01/24/business-model-de-l%e2%80%99internet-des-moments-noirs-a-venir/#comments Mon, 24 Jan 2011 17:32:08 +0000 Serge Soudoplatoff http://owni.fr/?p=43577

Nous avons de la chance en France, grâce à Free, qui a forcé les opérateurs de télécommunications traditionnels à adopter des modèles tarifaires forfaitaires, non basés sur l’usage.

Comment cela est-il possible ? Il faut rappeler l’un des papiers fondateurs de l’Internet, si ce n’est le premier, publié en 1961 par Leonard Kleinrock, “Information flow in large communication Nets“.

Kleinrock s’intéressait à un problème simple : quel est le meilleur protocole pour faire communiquer deux ordinateurs entre eux ? Après avoir étudié les protocoles des opérateurs de télécommunication, il a conclu que ce n’était pas un bon paradigme, et sa thèse a porté sur le choix du paquet plutôt que de la commutation.

Pour dire les choses simplement, les protocoles des opérateurs de télécommunication sont basés sur le paradigme du train : la voie est ouverte et réservée, donc le train passera sans encombre. C’est la même chose avec le téléphone traditionnel : même s’il n’y a pas de voix sur la voie, celle-ci est réservée. À l’inverse, le protocole par paquet est basé sur le paradigme du camion : les messages sont mis dans des paquets qui sont mis dans des camions qui empruntent soit la route, soit l’autoroute, etc.

Économie de l’abondance vs économie de la rareté

On voit tout de suite l’importance du choix. Les protocoles de télécommunication sont basés sur une économie de la rareté : lorsque le nombre de communications atteint le nombre de canaux d’une antenne 3G, alors plus aucune communication supplémentaire ne passe, sauf à « virer » l’une des communications (ce que, semble-t-il, les opérateurs 3G font, sans franchement en faire de la publicité ; cela se nomme « les classes de service »). À l’inverse, le protocole par paquet est basé sur une économie d’abondance : jamais on ne refusera l’accès à l’autoroute sous prétexte qu’il y a trop de voitures. Tout au plus, le gestionnaire fera de la régulation de trafic. C’est la même chose dans le monde Internet, jamais des paquets ne sont refusés, sauf à vraiment atteindre la saturation absolue. Heureusement, jusqu’à présent, toutes les prédictions d’effondrement du réseau se sont révélées fausses. On le sait aussi dans l’économie du disque, le mp3 est dans une logique d’économie de l’abondance, alors que le disque est dans une logique d’économie de la rareté.

Le propre d’une économie de la rareté est de fournir de la très haute qualité, ce que les opérateurs nomment « la qualité totale » ; son inconvénient est d’être très chère de manière indifférenciée. Le propre de l’économie d’abondance est d’être efficace. Elle rationalise l’usage des moyens, elle profite de coûts de duplication faible. Son inconvénient est qu’elle privilégie le concept de « best effort » au détriment d’une garantie de service. La structure même de l’Internet, qui est « un réseau de réseau » et pas un réseau unique, est basé sur un jeu de LEGO. Des entreprises font des routeurs, d’autres des navigateurs, d’autres des moteurs de recherche, d’autres des réseaux sociaux, et tout ceci concoure à une économie à faible coût, chacun restant dans son domaine. Toute tentative de gérer l’ensemble des services de l’Internet s’est d’ailleurs soldée par un échec : AOL Time-Warner, Vivendi Universal, sont autant de rêves mégalos qui n’ont abouti qu’à des dépenses inutiles.

L’impact du modèle économique sur les usages est fondamental. Prenons l’exemple du stockage : à moins de 50 euros « street price » le téraoctet, le coût de stockage d’un fichier est ridiculement faible, donc sa duplication ne pose aucun problème. Google, en créant gmail, a fait le pari de l’abondance, alors que les directions informatique des grandes entreprises sont toujours dans une logique de rareté. Résultat : il vaut mieux avoir gmail qu’un email professionnel, on ne perd pas de temps à ranger et archiver. Prenons la bande passante : avec des offres forfaitaires illimitées, les fournisseurs d’accès sont dans une logique d’abondance ; alors qu’en faisant payer les directions informatique au volume, elles sont dans une logique de rareté. Résultat : il faut être chez soi plutôt qu’au travail pour voir des vidéos indispensables dans le cadre professionnel, ce qui est contraire au code du travail. Bref, ne nous étonnons pas si la France est un gros consommateur d’antidépresseurs.

Regardons maintenant la situation mondiale des fournisseurs d’accès. Nous avons la chance, en France, d’avoir Free. Sans Free, nous n’aurions pas d’offre triple play forfaitaire, avec des communications téléphoniques illimitées vers les fixes et les mobiles de 120 pays. Est-ce le cas partout ? Non.

En Australie, par exemple, aucun des grands ISP n’a d’offre illimité. Telstra [en], par exemple, limite l’usage, et lorsque cette limite est atteinte, baisse dramatiquement la bande passante. C’est le cas pour la grande majorité des ISP en Australie [en], avec des limites entre 2 et 200G par mois. À l’inverse, aux États-Unis, la guerre fait rage sur la baisse des prix [en], qui sont en ce moment entre 20 et 50 dollars par mois en illimité. En Angleterre [en], la situation ressemble à celle de l’Australie, avec d’une côté des opérateurs de télécommunication qui limitent l’usage, et de l’autre des nouveaux entrants qui offrent de l’illimité. En Allemagne, l’opérateur historique, T-Mobile, propose des packages illimités pour 35 euros par mois, avec possibilité de migrer vers le VDSL.

Maintenant, regardons ce qui se passe dans le mobile. En France, nous avons, sur le territoire, des offres en data illimitées. Même s’il faut faire attention lorsque l’on franchit les frontières, car le prix va jusqu’à 10 euros par mégaoctet, en fonction de règles qui sont totalement absconses, lorsqu’on reste bien franchouillard, il est possible de surfer de manière quasi illimitée. Que va faire Free en terme de modèle tarifaire lorsqu’il installera son service ? Va-t-il nous proposer des illimités dans le monde entier ou presque à bas prix ? Ou bien va-t-il se mettre dans une logique économique de rareté et facturer à l’usage ?

La tentation de la tarification à l’acte

J’ai coutume de dire que l’économie de l’Internet suit, avec une dizaine d’années de retard, celle du transport aérien. Or, les compagnies low cost, qui ont des points communs avec la logique de Free, ont toutes décidé, il y a quelques années, de faire payer les services un par un : le nombre de bagages, la priorité aux comptoirs, les kilogrammes, jusqu’à tester l’idée, émise par le PDG de Ryanair, de faire payer les toilettes, voire de faire payer pour un vrai siège, les autres étant debout. On le voit bien, la tentation est grande de revenir à une tarification à l’acte.

Cela peux-t-il se passer dans le monde de l’Internet ? J’en ai bien peur. Les fournisseurs d’accès en mobile commencent à parler d’abandonner le forfait pour aller à une tarification en fonction des données consommées. Les trois opérateurs français actuels, pour lesquels le mobile représente le revenu le plus important, ne pourront plus laisser faire un nouvel entrant avec d’autres logiques plus efficaces. Si Free arrive avec des offres forfaitaires en mobile, alors il n’y aura plus aucun gisement de revenus pour les trois autres, situation aggravée si la migration des clients est conséquente. France Telecom, qui a encore un nombre de salariés impressionnant, dont beaucoup de fonctionnaires difficilement transférables ailleurs, sera le plus touché. Étant en plus fortement syndicalisé, il est probable que 2013 verra des manifestations violentes de SUD et de la CGT, une version moderne de la révolte des canuts. Il n’est pas facile de prédire comment le gouvernement, quel qu’il soit, réagira ; mais il est sûr que les caisses de l’État, déjà très basses, ne permettront pas un modèle à la Bull, et donc France Telecom sera abandonné, sauf à avoir un gouvernement communiste dans son esprit, ce qui, hélas n’est pas impossible. Il ne restera donc que la solution d’une entente entre Free et les trois autres, sur des accords de roaming sympathiques par exemple ; la tentation sera alors grande pour Free de faire payer l’Internet mobile à l’usage. De plus, étant capable de rationaliser ses coûts, entre autres par l’utilisation d’antennes 3G sur les Freebox, Free aura une marge nettement supérieure aux autres opérateurs. Ça ne se refuse pas…

Et alors, si l’Internet mobile revient au paiement à la durée, quid du fixe ??? La tentation est grande de faire payer au volume, avec une première étape de limite supérieure, comme cela se pratique dans certains pays, comme on l’a vu.

Nous allons vivre quelques moments noirs. Les modèles économiques traditionnels risquent de revenir en force. Il faudra alors lutter, et trouver des solutions alternatives, par exemple des coopératives télécom, comme ce qui se pratique à Nuenen [néerlandais] en Hollande, au Canada, ou bien ce que fait notre ami Billaut-San à Villiers-le-Mahieu.

Je crois au modèle des coopératives télécom, pour contrebalancer les modèles économiques des opérateurs. Mais alors, que feront les ARCEP du monde entier ? Que décideront les politiques ??? Ceci est la clé. Les réseaux sont vraiment un acte politique de gestion du territoire.

Billet initialement publié sur Almatropie

Image CC Flickr R4vi

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